Chapitre 1 : Le Recours aux Procédures Préventives

Ce chapitre introduit les mécanismes mis en place pour aider les entreprises à traiter leurs difficultés avant d'atteindre le stade critique de la cessation des paiements[cite: 787, 788]. L'objectif est d'anticiper et de négocier amiablement avec les créanciers pour trouver des solutions pérennes. Ces procédures, dites préventives, sont moins contraignantes que les procédures collectives et souvent confidentielles[cite: 779]. Elles comprennent principalement le mandat ad hoc et la conciliation.

Distinction Clé : Prévention vs. Traitement

Les procédures préventives visent à éviter la cessation des paiements ou à y remédier très rapidement, tandis que les procédures collectives (sauvegarde, redressement, liquidation) traitent des difficultés plus graves, souvent après la survenance de la cessation des paiements[cite: 772, 776, 788].

Le Mandat Ad Hoc (Art. L. 611-3 C. com.)

Le mandat ad hoc est une procédure souple, discrète et volontaire, issue de la pratique et peu encadrée par la loi[cite: 793].

  • Initiative : Réservée au débiteur uniquement[cite: 793]. Il saisit le Président du Tribunal de commerce (pour commerçants/artisans) ou du Tribunal judiciaire (autres professionnels, personnes morales de droit privé) par une simple requête[cite: 793].
  • Désignation : Le Président nomme un mandataire ad hoc (souvent un administrateur judiciaire, un expert-comptable ou un avocat expérimenté). Le débiteur peut proposer un nom[cite: 793].
  • Mission : Définie par le Président, elle consiste généralement à assister le débiteur pour négocier avec ses principaux créanciers des délais de paiement ou des remises de dettes[cite: 793, 794].
  • Accord : Si les négociations aboutissent, l'accord conclu reste un contrat de droit privé entre le débiteur et les créanciers signataires, régi par le droit commun des contrats[cite: 794]. Il n'a pas la force particulière d'un accord de conciliation constaté ou homologué.
  • Pouvoirs du Dirigeant : Le dirigeant conserve tous ses pouvoirs de gestion et de disposition pendant la durée du mandat[cite: 795].
  • Confidentialité : La procédure est par nature confidentielle, ce qui est un avantage majeur pour l'entreprise.

Le mandat ad hoc est un outil utile pour des négociations ciblées dans un cadre confidentiel, lorsque les difficultés sont encore limitées et qu'un accord amiable semble possible sans contrainte judiciaire forte.

La Conciliation : Ouverture (Art. L. 611-4 et s. C. com.)

La conciliation est une procédure préventive plus structurée que le mandat ad hoc, visant également à obtenir un accord amiable mais offrant potentiellement plus de garanties et d'effets juridiques[cite: 796]. Ce chapitre se concentre sur les conditions et la décision d'ouverture.

A. Les Conditions d'Ouverture

Pour bénéficier de la conciliation, le débiteur et sa situation doivent répondre à des critères précis.

1. Conditions Relatives au Bénéficiaire

  • Personnes Éligibles : [cite: 800]
    • Débiteurs exerçant une activité commerciale ou artisanale (devant le Tribunal de Commerce).
    • Personnes morales de droit privé (associations, sociétés civiles...).
    • Personnes physiques exerçant une activité professionnelle indépendante (y compris professions libérales réglementées).
    • Ces dernières catégories relèvent du Tribunal Judiciaire.
  • Exclusion : Les agriculteurs ne sont pas éligibles à la conciliation[cite: 801].

2. Conditions Relatives à l'État du Débiteur

  • Nature des Difficultés : Le débiteur doit éprouver une difficulté juridique, économique ou financière, qui peut être simplement prévisible ou déjà avérée[cite: 802]. L'objectif est d'agir tôt[cite: 803].
  • Seuil de Cessation des Paiements : C'est la condition la plus importante : la conciliation est ouverte au débiteur qui n'est pas en état de cessation des paiements depuis plus de 45 jours[cite: 804, 805]. Si cet état dure depuis plus longtemps, la conciliation n'est plus adaptée et une procédure collective (redressement) s'impose.
Point Crucial : Les 45 Jours

La règle des "pas plus de 45 jours" de cessation des paiements est un critère déterminant pour l'accès à la conciliation. Au-delà, seule une procédure collective est envisageable[cite: 805].

B. La Décision d'Ouverture

L'ouverture de la conciliation découle d'une démarche volontaire du débiteur et d'une décision du Président du tribunal compétent.

1. Initiative et Requête

  • Débiteur Seul : Seul le débiteur peut demander l'ouverture de la conciliation[cite: 806]. Un créancier ne peut pas l'y contraindre[cite: 807].
  • Requête Motivée : Le débiteur doit présenter une requête au Président du tribunal expliquant sa situation (éco, sociale, financière), ses besoins de financement et les moyens envisagés pour y faire face[cite: 808].
  • Proposition d'un Conciliateur : Le débiteur peut suggérer le nom d'un conciliateur au Président[cite: 808].

2. Désignation et Mission du Conciliateur

  • Décision du Président : Si les conditions sont remplies, le Président ouvre la procédure et nomme un conciliateur[cite: 810].
  • Durée : Mission de 4 mois maximum, prorogeable une fois pour 1 mois maximum à la demande du conciliateur[cite: 810, 811].
  • Mission Principale (Art. L. 611-7) : Favoriser la conclusion d'un accord amiable entre le débiteur et ses principaux créanciers (et cocontractants habituels) pour mettre fin aux difficultés[cite: 813]. Le conciliateur négocie (délais, remises) en échange d'efforts du débiteur[cite: 815].
  • Autres Missions : Présenter des propositions pour la sauvegarde, la poursuite d'activité, le maintien de l'emploi[cite: 814]; organiser une éventuelle cession future[cite: 817]; rendre compte au Président[cite: 816].
  • Indépendance : Règles strictes pour éviter les conflits d'intérêts (pas de rémunération récente du débiteur/créancier, pas de juge consulaire récent)[cite: 818, 819].
  • Rémunération : Fixée par le Président lors de la nomination[cite: 820].

3. Protection (Limitée) du Débiteur

  • Délais de Grâce Judiciaires : Si un créancier poursuit le débiteur ou refuse de suspendre ses actions pendant la conciliation, le juge (Président du tribunal) peut, à la demande du débiteur et après avis du conciliateur, imposer des délais de paiement (jusqu'à 2 ans, limités à la durée de la mission si créance non échue)[cite: 822, 849].
  • Confidentialité Stricte (Art. L. 611-15) : Toute personne appelée à la procédure ou en ayant connaissance par ses fonctions est tenue à la confidentialité. Sa violation est sanctionnée[cite: 823, 824]. C'est un atout majeur de la procédure.

Points Clés du Chapitre 1 (Livre II)

Ce premier chapitre pose les bases des procédures préventives :

Comprendre ces mécanismes d'anticipation est crucial pour conseiller une entreprise dès les premières difficultés et choisir l'outil le plus adapté avant qu'une situation plus grave ne nécessite une procédure collective.