Les sources du droit social Partie 1 - Chapitre 2
Après avoir délimité le champ d'application du droit social, il est essentiel d'en comprendre les sources. Celles-ci déterminent les règles applicables aux relations de travail. Le droit social se caractérise par une pluralité et une hiérarchie complexe de ses sources, mêlant les sources classiques du droit (étatiques, internationales) à des sources spécifiques issues du monde professionnel (négociation collective, usages...). Leur articulation, notamment via le principe de faveur et ses exceptions croissantes, est au cœur de nombreux enjeux pratiques et contentieux.
Section 1: Les Sources Classiques (Étatiques et Internationales)
Ces sources émanent des pouvoirs publics nationaux et des organisations internationales. Elles forment le socle normatif commun.
A. La Constitution et le Bloc de Constitutionnalité
Source Suprême NationaleLe sommet de la hiérarchie des normes internes est occupé par la Constitution du 4 octobre 1958 et les textes auxquels son préambule renvoie : la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789, le Préambule de la Constitution de 1946, et la Charte de l'environnement de 2004. L'ensemble forme le bloc de constitutionnalité[cite: 116].
- Principes Sociaux Fondamentaux : Le Préambule de 1946 est particulièrement riche en droits sociaux[cite: 118]:
- Droit d'obtenir un emploi ; devoir de travailler.
- Liberté syndicale[cite: 118].
- Droit de grève[cite: 118].
- Droit à la participation des travailleurs à la détermination collective des conditions de travail et à la gestion des entreprises.
- Protection de la santé, sécurité matérielle, repos et loisirs[cite: 118].
- Égalité hommes-femmes dans tous les domaines.
- Droit à la formation professionnelle[cite: 118].
- Autres Droits et Libertés : La DDHC proclame la liberté, l'égalité en droits, la propriété, la liberté d'expression[cite: 121]. Les Principes Fondamentaux Reconnus par les Lois de la République (PFRLR), dégagés par le Conseil constitutionnel, incluent la liberté d'association, la liberté de conscience, les droits de la défense[cite: 119, 120].
- Contrôle de Constitutionnalité : Le Conseil constitutionnel veille à la conformité des lois au bloc de constitutionnalité[cite: 122].
- Contrôle a priori (avant promulgation)[cite: 123].
- Contrôle a posteriori via la Question Prioritaire de Constitutionnalité (QPC)[cite: 124], qui a accru l'influence de la Constitution sur le droit social[cite: 125]. Ex: censure de l'exclusion de l'indemnité de congés payés pour faute lourde (Cons. const., 2 mars 2016, n° 2015-523 QPC)[cite: 127].
B. Les Sources Internationales et Européennes
Influence CroissanteLes normes internationales et européennes occupent une place de plus en plus importante en droit social français, en vertu de l'article 55 de la Constitution qui leur confère une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve de réciprocité (sauf pour le droit de l'UE).
1. L'Organisation Internationale du Travail (OIT)
- Rôle : Institution spécialisée de l'ONU (structure tripartite : gouvernements, employeurs, salariés) [cite: 131] visant à promouvoir la justice sociale et les droits au travail.
- Instruments : Adopte des Conventions (traités internationaux à ratifier) et des Recommandations (non contraignantes) [cite: 132] sur des thèmes variés (travail forcé, liberté syndicale, égalité, sécurité sociale...)[cite: 132].
- Effectivité : Limitée par l'absence de sanction juridictionnelle directe[cite: 133]. Le contrôle repose sur des rapports et des comités d'experts[cite: 134]. Cependant, la Cour de cassation reconnaît parfois un effet direct à certaines conventions. Ex: Convention n°158 sur le licenciement utilisée pour juger le Contrat Nouvelles Embauches (CNE) contraire au droit international (Cass. soc., 1er juill. 2008, n° 07-44.124)[cite: 135, 136, 137].
2. Le Conseil de l'Europe
- Convention Européenne des Droits de l'Homme (CEDH) : Protège des droits civils et politiques ayant un impact en droit social : interdiction du travail forcé (art. 4), liberté d'association et syndicale (art. 11), non-discrimination (art. 14), respect de la vie privée et familiale (art. 8)[cite: 140].
- Cour Européenne des Droits de l'Homme (Cour EDH) : Sanctionne les États pour violation de la CEDH[cite: 141]. Ex: Condamnation de la France pour interdiction des syndicats dans l'armée (CEDH, 2 oct. 2014, Matelly c. France)[cite: 142]. La jurisprudence de la Cour EDH influence fortement l'interprétation des droits fondamentaux par les juges français.
- Charte Sociale Européenne (révisée) : Texte spécifique aux droits sociaux (droit au travail, conditions équitables, sécurité sociale, droit syndical, protection enfance/maternité...)[cite: 143].
- Comité Européen des Droits Sociaux (CEDS) : Contrôle l'application de la Charte via des rapports et des réclamations collectives (par syndicats, ONG...)[cite: 144]. Ses décisions ne sont pas directement exécutoires mais ont une autorité morale et politique croissante. Ex: Décision sur le barème Macron jugé potentiellement non conforme (CEDS, récl. n°160/2018, CGT c. France - même si non suivi par la C. Cass.)[cite: 145]. La Cour de cassation cite de plus en plus la Charte.
3. L'Union Européenne (UE)
- Droit Primaire : Traités fondateurs (TUE, TFUE) et Charte des droits fondamentaux de l'UE (valeur juridique contraignante). Contiennent des principes sociaux (libre circulation, égalité H/F, non-discrimination, dialogue social).
- Droit Dérivé : Règlements (directement applicables) et Directives (nécessitent transposition, mais peuvent avoir un effet direct sous conditions). Nombreuses directives en droit social[cite: 152]: temps de travail, santé/sécurité, égalité de traitement, information/consultation des travailleurs (ex: directive sur les licenciements collectifs, transferts d'entreprise), détachement de travailleurs.
- Cour de Justice de l'Union Européenne (CJUE) : Assure l'interprétation uniforme du droit de l'UE[cite: 150]. Sa jurisprudence est cruciale et s'impose aux juges nationaux (principe de primauté)[cite: 151].
- Compétence Partagée : Souvent, l'UE fixe des prescriptions minimales, laissant aux États membres la possibilité d'adopter des règles plus favorables[cite: 153, 154].
C. La Loi
Source Étatique Centrale mais ÉvolutiveLa loi, votée par le Parlement, fixe en principe les règles fondamentales du droit du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle, ainsi que les principes fondamentaux de la sécurité sociale (Article 34 de la Constitution)[cite: 155].
- Rôle Historique : Traditionnellement, la loi a joué un rôle central et détaillé en droit social français, établissant de nombreuses règles impératives (SMIC, durée légale, protection contre le licenciement...)[cite: 156, 157]. Le Code du travail rassemble l'essentiel de la législation.
- Évolution Récente - Recul Relatif : Depuis plusieurs décennies, on observe un mouvement tendant à réduire la place de la loi impérative au profit de la négociation collective[cite: 158, 161].
- Loi Supplétive : De plus en plus de dispositions légales ne s'appliquent qu'à défaut d'accord collectif (de branche ou d'entreprise)[cite: 164]. L'accord peut alors prévoir des règles différentes, parfois moins favorables que la loi (dérogation in pejus).
- Concertation Préalable : L'article
L. 1
du Code du travail impose au gouvernement, avant toute réforme majeure, de consulter les partenaires sociaux et de leur permettre de négocier[cite: 162]. Si un Accord National Interprofessionnel (ANI) est conclu, le gouvernement est censé le transposer fidèlement[cite: 163]. - Ordonnances Macron (2017) : Ont accentué ce mouvement en définissant une nouvelle architecture des normes articulée en trois blocs (ordre public / champ de la négociation / règles supplétives), renforçant la primauté de l'accord d'entreprise (voir Section 3)[cite: 54].
D. Le Règlement
Source ExécutiveLes règlements sont les actes pris par le pouvoir exécutif (Président, Premier Ministre, Ministres). Ils incluent les décrets (d'application des lois ou autonomes) et les arrêtés (ministériels, préfectoraux...)[cite: 166, 167].
- Rôle en Droit Social : Principalement pour préciser les modalités d'application des lois (décrets d'application)[cite: 168]. Jouent un rôle important dans des domaines techniques comme :
- La santé et la sécurité au travail (partie réglementaire très fournie du Code du travail)[cite: 168, 755].
- La procédure prud'homale[cite: 168].
- L'organisation de certaines institutions (Inspection du travail...).
- Hiérarchie : Inférieurs à la loi. Doivent respecter la loi et la Constitution. Peuvent être contestés devant le juge administratif (Conseil d'État).
E. La Jurisprudence
Source Vivante et InterprétativeLa jurisprudence désigne l'ensemble des décisions rendues par les tribunaux et cours, qui interprètent et précisent les règles de droit[cite: 171]. En droit social, elle joue un rôle **fondamental**[cite: 175].
- Rôle Créateur : Face aux silences ou ambiguïtés de la loi, la jurisprudence a créé des notions essentielles (ex: définition du contrat de travail[cite: 66], lien de subordination[cite: 69], principe "à travail égal, salaire égal"[cite: 874], obligation de sécurité de résultat [cite: 769] - même si récemment nuancée [cite: 776]).
- Rôle Adaptateur : Elle adapte les règles aux évolutions économiques et sociales (ex: requalification des contrats des travailleurs de plateforme[cite: 82], validité des clauses de non-concurrence conditionnée à une contrepartie financière - Cass. soc., 10 juill. 2002 [cite: 178, 585]).
- Instances Clés :
- Cour de cassation (Chambre sociale) : Juridiction suprême de l'ordre judiciaire pour le droit du travail. Ses arrêts (de principe, publiés) unifient l'interprétation de la loi[cite: 172].
- Cour de cassation (2ème Chambre civile) : Compétente pour le contentieux de la sécurité sociale[cite: 172].
- Conseil d'État : Juridiction suprême de l'ordre administratif (contrôle des règlements, décisions administratives - ex: autorisation de licenciement d'un salarié protégé)[cite: 702].
- Conseil constitutionnel : Interprète la Constitution (via contrôle a priori ou QPC)[cite: 122].
- CJUE et Cour EDH : Voir sources internationales.
- Effet Rétroactif des Revirements : Un changement d'interprétation par la Cour de cassation (revirement de jurisprudence) s'applique immédiatement aux affaires en cours et peut remettre en cause des situations passées[cite: 180], d'où l'importance de la veille jurisprudentielle.
Section 2: Les Sources Professionnelles
À côté des sources classiques, le droit social est marqué par l'importance de normes créées par les acteurs eux-mêmes : les partenaires sociaux (syndicats d'employeurs et de salariés) et l'employeur[cite: 183].
A. Les Conventions et Accords Collectifs
Source Négociée FondamentaleUne convention (ou accord) collectif(ve) est un accord conclu entre une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives et une ou plusieurs organisations d'employeurs ou un ou plusieurs employeurs pris individuellement[cite: 199]. Son objet est de déterminer les conditions d'emploi, de formation professionnelle, de travail et les garanties sociales des salariés (L. 2221-1
)[cite: 186].
1. Objet et Niveaux de Négociation
- Objet large : Couvre potentiellement tous les aspects de la relation de travail (salaires minima, classifications, durée du travail, congés, préavis, formation, prévoyance, droit syndical...)[cite: 186].
- Distinction Convention/Accord : Traditionnellement, "convention" désigne un texte traitant de l'ensemble des conditions de travail, "accord" un texte sur un ou plusieurs sujets déterminés. Juridiquement, leur régime est identique[cite: 187, 188].
- Niveaux de Négociation (
L. 2221-2
) :- Interprofessionnel : Couvre plusieurs branches (ex: Accord National Interprofessionnel - ANI)[cite: 190]. Souvent sur des thèmes généraux (formation, assurance chômage...)[cite: 192].
- Branche : Couvre les entreprises d'un même secteur d'activité (ex: métallurgie, chimie, banque)[cite: 190]. Rôle historique d'harmonisation des conditions de concurrence et de fixation de minima[cite: 194, 195].
- Groupe : Concerne les entreprises appartenant à un même groupe.
- Entreprise ou Établissement : Niveau dont l'importance a été considérablement accrue par les réformes récentes[cite: 190, 196]. Permet d'adapter les règles aux spécificités de l'entreprise.
- Obligations de Négocier : Pour stimuler le dialogue social, la loi impose des négociations périodiques obligatoires dans l'entreprise et la branche sur certains thèmes (salaires, égalité H/F, temps de travail, GPEC...) [cite: 197] (détaillé en Partie 5). L'obligation porte sur le fait de négocier, pas de conclure[cite: 198].
2. Parties et Conditions de Validité
- Parties : Côté employeur: un ou plusieurs employeurs, ou leurs organisations représentatives. Côté salarié: une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives[cite: 199].
- Représentativité Syndicale : Notion clé. Seuls les syndicats prouvant leur représentativité (selon 7 critères dont l'audience électorale - voir Partie 5) peuvent négocier et signer des accords leur conférant pleine validité[cite: 200, 201, 203, 211]. Audience minimale requise : 10% dans l'entreprise, 8% dans la branche/interpro[cite: 204, 205].
- Conditions de Validité (Majorité) :
- Accord d'entreprise : Doit être signé par un ou des syndicats représentatifs ayant recueilli plus de 50% des suffrages exprimés en faveur des syndicats représentatifs aux dernières élections professionnelles[cite: 209]. Si signé par des syndicats > 30% mais < 50%, possibilité de valider l'accord par référendum d'entreprise[cite: 211, 212, 213].
- Accord de branche/interpro : Doit être signé par un ou des syndicats représentatifs ayant recueilli au moins 30% des suffrages, ET ne pas faire l'objet d'une opposition majoritaire (par des syndicats représentatifs > 50%)[cite: 215].
- Négociation dérogatoire : Dans les entreprises sans délégué syndical, des accords peuvent être conclus sous conditions avec des élus du CSE ou des salariés mandatés[cite: 218, 219, 220].
3. Nature et Effets
- Nature Mixte : La convention collective est à la fois un contrat (issue d'un accord de volontés) et une source ayant un effet réglementaire[cite: 221, 225].
- Effet Impératif : S'impose aux employeurs et salariés relevant de son champ d'application.
- Application erga omnes (pour tous) : S'applique à tous les salariés de l'entreprise liée, qu'ils soient syndiqués ou non[cite: 226].
- Extension (
L. 2261-15
s.) : Procédure par laquelle le Ministre du Travail peut rendre une convention de branche obligatoire pour toutes les entreprises du secteur, même celles non adhérentes aux organisations signataires[cite: 227, 228, 230]. Vise à généraliser les garanties et harmoniser la concurrence. - Articulation avec autres sources : Complexe, voir Section 3.
B. Les Usages Professionnels et d'Entreprise
Source Non Écrite et PratiqueDes règles peuvent naître de pratiques répétées et constantes.
- Usage Professionnel (ou Coutume) : Pratique ancienne, constante et générale au sein d'une profession ou d'une localité[cite: 232]. Ex: Prime de 13ème mois dans certains secteurs, durée de préavis spécifique[cite: 233, 234]. De moins en moins fréquent avec la généralisation des conventions collectives.
- Usage d'Entreprise : Pratique instaurée unilatéralement par l'employeur au sein de son entreprise, conférant un avantage aux salariés[cite: 240]. Pour être reconnu comme tel, l'avantage doit remplir 3 critères cumulatifs définis par la jurisprudence[cite: 241]:
- Généralité : Concerner tout le personnel ou une catégorie objective de salariés[cite: 242].
- Constance : Résulter d'une répétition sur une certaine durée[cite: 243].
- Fixité : Être déterminé selon des règles précises et constantes (montant fixe ou mode de calcul préétabli)[cite: 244].
- Dénonciation de l'Usage d'Entreprise : L'employeur peut y mettre fin (le "dénoncer"), mais doit respecter une procédure stricte[cite: 245]:
- Information et consultation des représentants du personnel (CSE).
- Information individuelle de chaque salarié concerné.
- Respect d'un délai de prévenance suffisant pour permettre d'éventuelles négociations[cite: 246].
C. Les Engagements Unilatéraux de l'Employeur
Source Émanant de l'EmployeurAu-delà de l'usage d'entreprise, l'employeur peut créer des obligations à sa charge par d'autres actes unilatéraux[cite: 237].
- Définition : Volonté claire et non équivoque de l'employeur de s'obliger envers les salariés sur un avantage particulier.
- Formes : Note de service, circulaire, règlement intérieur (pour les clauses allant au-delà du contenu obligatoire), accord atypique (conclu avec des interlocuteurs non habilités, ex: comité de grève)[cite: 239].
- Régime : Similaire à l'usage d'entreprise. L'employeur est lié tant qu'il ne l'a pas régulièrement dénoncé (même procédure que pour l'usage)[cite: 245, 246].
- Articulation : Un accord collectif postérieur portant sur le même objet peut mettre fin à un engagement unilatéral, même si l'accord est moins favorable[cite: 249].
D. Le Contrat de Travail
Source Individuelle EssentielleLe contrat de travail lui-même est une source d'obligations pour les deux parties[cite: 250].
- Contenu : Fixe les éléments essentiels de la relation (emploi, qualification, lieu, durée du travail, rémunération).
- Clauses Spécifiques : Peut contenir des clauses ajoutant des obligations ou précisant certains aspects : période d'essai, clause de mobilité, clause de non-concurrence, clause d'exclusivité, clause de dédit-formation, objectifs...[cite: 251]. Ces clauses doivent respecter l'ordre public et les limites posées par la jurisprudence (ex: validité de la clause de non-concurrence).
- Articulation : Le contrat doit respecter les sources supérieures (loi, convention collective applicable). En principe, il ne peut y déroger que dans un sens plus favorable au salarié (principe de faveur), mais ce principe est battu en brèche dans certaines hypothèses (voir Section 3).
Section 3: L'Articulation des Sources - Un Défi Juridique Majeur
La multiplicité des sources en droit social soulève la question cruciale de leur articulation : quelle norme appliquer en cas de conflit entre elles ? La traditionnelle hiérarchie des normes (dite "pyramide de Kelsen") [cite: 255] est insuffisante et largement aménagée en droit du travail[cite: 256].
A. Le Principe de Faveur (Ordre Public Social)
Principe Fondamental Historique... mais en ReculEn cas de conflit de normes, il convient d'appliquer la disposition la plus favorable au salarié, même si elle émane d'une source hiérarchiquement inférieure (sauf si la norme supérieure est d'ordre public absolu).
- Illustration : Si la loi prévoit un SMIC horaire de 11€[cite: 259], qu'une convention collective fixe un minimum pour le poste à 12€[cite: 260], et que le contrat de travail mentionne 11,50€[cite: 261]. Le principe de faveur impose d'appliquer le minimum conventionnel de 12€, car c'est le plus avantageux pour le salarié[cite: 263, 264].
- Fondement : Vise à assurer une amélioration constante de la condition des salariés, en partant du socle légal minimal et en permettant aux sources inférieures d'ajouter des avantages.
- Statut : Principe fondamental du droit du travail pour la Cour de cassation[cite: 265], mais sans valeur constitutionnelle[cite: 266]. Le législateur peut donc y déroger[cite: 266].
- Recul Important : Ce principe est de plus en plus souvent écarté par la loi au profit de mécanismes de dérogation permettant à des accords collectifs (surtout d'entreprise) de prévoir des règles moins favorables que la loi ou qu'un accord de branche[cite: 267].
B. La Primauté de l'Accord d'Entreprise (Ordre Public Dérogatoire)
Tendance Dominante ActuelleLes réformes successives (Loi Fillon 2004[cite: 269], Loi El Khomri 2016[cite: 272], Ordonnances Macron 2017 [cite: 272]) ont instauré et généralisé un nouveau mode d'articulation où l'accord d'entreprise (ou d'établissement) prime sur l'accord de branche et même sur la loi supplétive, y compris s'il est moins favorable ("dérogation in pejus").
1. Articulation entre Accords Collectifs (Branche vs Entreprise)
L'article L. 2253-3
établit une nouvelle hiérarchie organisée en trois blocs de matières[cite: 274]:
- Bloc 1 - Primauté Impérative de la Branche (
L. 2253-1
) : Pour 13 thèmes jugés essentiels (salaires minima, classifications, garanties collectives complémentaires de prévoyance/santé, mutualisation des fonds de formation, égalité H/F, certaines règles sur CDD/intérim/CDI chantier, durée période d'essai...)[cite: 275, 277, 278]. Dans ces domaines, l'accord d'entreprise ne peut être moins favorable que l'accord de branche, sauf s'il assure des garanties au moins équivalentes[cite: 275]. - Bloc 2 - Verrouillage Optionnel par la Branche (
L. 2253-2
) : Pour 4 thèmes (prévention des risques pro, insertion des handicapés, effectifs/moyens des délégués syndicaux, primes pour travaux dangereux)[cite: 279, 281]. La branche peut décider que ses stipulations primeront sur l'accord d'entreprise postérieur, sauf garanties équivalentes[cite: 280]. Si la branche ne verrouille pas, l'accord d'entreprise prime. - Bloc 3 - Primauté Systématique de l'Accord d'Entreprise (
L. 2253-3
) : Pour toutes les autres matières (ex: durée du travail hors exceptions bloc 1, organisation du travail, primes hors bloc 2, congés...). L'accord d'entreprise (ou d'établissement) prime sur l'accord de branche, qu'il soit conclu avant ou après, et même s'il est moins favorable[cite: 282, 283]. L'accord de branche ne s'applique que si aucun accord d'entreprise n'existe sur le sujet (rôle supplétif)[cite: 284].
2. Articulation entre la Loi et l'Accord Collectif
- Loi Impérative (Ordre Public Absolu) : Rare. Certaines règles légales ne peuvent jamais être écartées par accord (ex: interdiction discriminations, SMIC...).
- Loi Supplétive : De plus en plus fréquent. La loi fixe une règle mais autorise l'accord collectif (souvent d'entreprise) à y déroger, même dans un sens moins favorable[cite: 294, 295, 297]. La loi ne s'applique qu'en l'absence d'accord[cite: 304]. Exemple : Majoration des heures supplémentaires. La loi fixe 25% puis 50%[cite: 298]. Un accord d'entreprise peut réduire ce taux jusqu'à 10% minimum[cite: 299]. L'accord d'entreprise prime[cite: 300].
- Architecture Loi/Négociation (Ordonnances Macron) : Souvent 3 niveaux :
- Dispositions d'ordre public (socle indérogeable)[cite: 302].
- Champ ouvert à la négociation collective (où l'accord prime)[cite: 303].
- Dispositions supplétives (applicables si pas d'accord)[cite: 304].
3. Articulation entre l'Accord Collectif et le Contrat de Travail
- Principe de Faveur (Théorique) : Le contrat peut prévoir des clauses plus favorables que l'accord collectif[cite: 306].
- Exceptions Légales (Fréquentes) : La loi prévoit de nombreux cas où l'accord collectif s'impose au contrat de travail, même si ce dernier est plus favorable[cite: 307].
- Modulation du temps de travail par accord : S'impose au salarié même si son contrat prévoit une durée fixe (
L. 3121-44
)[cite: 308, 856]. - Accords de Performance Collective (APC -
L. 2254-2
) : Permettent à un accord d'entreprise de modifier la durée du travail, la rémunération (respect SMIC/minima conventionnels), ou la mobilité, pour répondre aux nécessités de fonctionnement ou préserver/développer l'emploi[cite: 312, 313, 934]. Les stipulations de l'APC se substituent de plein droit aux clauses contraires du contrat de travail[cite: 315, 936]. Le refus du salarié justifie un licenciement sui generis (ni économique, ni personnel classique)[cite: 315, 937].
- Modulation du temps de travail par accord : S'impose au salarié même si son contrat prévoit une durée fixe (
C. L'Ordre Public Absolu
Le Socle IndérogeableMalgré la montée de la dérogation, certaines règles demeurent impératives et ne peuvent être écartées par aucune norme inférieure, même plus favorable[cite: 318, 319].
- Définition : Règles considérées comme essentielles à l'ordre social.
- Exemples en Droit Social :
- Interdiction des discriminations (
L. 1132-1
). - Interdiction du harcèlement moral et sexuel (
L. 1152-1
,L. 1153-1
). - SMIC (Salaire Minimum Interprofessionnel de Croissance).
- Règles de compétence exclusive du Conseil de Prud'hommes pour les litiges individuels du travail (
L. 1411-4
)[cite: 320]. - Principes fondamentaux de la sécurité et de la santé au travail (mais les modalités peuvent être négociées).
- Interdiction des discriminations (
- Portée : Elles limitent la liberté contractuelle et le pouvoir de négociation collective. Toute clause ou accord contraire est nul.