L'approche macroéconomique, popularisée par J-M Keynes, vise à mesurer et interpréter les relations entre les grandes fonctions économiques pour guider la politique économique. La Comptabilité Nationale (CN) en est issue, développée entre 1930-1950 face à la crise des années trente et la reconstruction d'après-guerre.
La CN est une technique statistique représentant de manière chiffrée, complète et cohérente la vie économique d'un pays. Elle est une "maquette" ou "photo" quantifiée de l'économie, principalement sous forme de tableaux. Ces tableaux permettent de calculer des indicateurs clés comme le taux de croissance, l'inflation, la balance extérieure, l'investissement, la dette publique, etc. Ces indicateurs sont essentiels pour mesurer les évolutions, faire des prévisions et orienter les décisions politiques.
L'économie est une discipline du chiffre, utilisant de vastes bases de données collectées par enquêtes ou via des fichiers administratifs. Le développement des technologies de l'information a accéléré cette collecte. La CN synthétise des milliards d'opérations économiques en quelques centaines de chiffres. Le Système européen des comptes nationaux (SEC 2010) assure la comparabilité internationale des indicateurs.
L'économie d'un pays est un circuit d'agents (ménages, entreprises, État, etc.) avec des fonctions essentielles (produire, consommer, redistribuer), reliés par des flux.
L'achat d'un bien implique un flux réel (bien de l'entreprise à l'individu) et un flux monétaire (paiement de l'individu à l'entreprise). Le travail des salariés est un flux réel (force de travail) contre un flux monétaire (salaires). À chaque flux réel correspond un flux monétaire opposé.
Les entreprises produisent pour les ménages (marché des biens et services) et emploient les ménages (marché du travail). La production génère biens/services et revenus. Ces revenus sont dépensés pour acquérir ces biens/services. Le circuit inclut aussi les banques (intermédiaires financiers entre épargne des ménages et investissement des entreprises), les administrations publiques (financées par prélèvements, fournissent services non marchands et redistribution) et le "reste du monde" (échanges internationaux).
La CN regroupe les agents en secteurs institutionnels et organise les flux monétaires par grandes opérations économiques.
Les agents avec comportements similaires (fonction principale, origine des ressources) sont regroupés. Il y a 5 secteurs résidents et 1 non-résident (Reste du Monde, défini par non-résidence).
Secteur institutionnel | Fonction économique principale | Ressources principales |
---|---|---|
Sociétés non financières (SNF) | Produire des biens et services marchands non financiers | Ventes des biens et services produits |
Sociétés financières (SF) | Produire des services financiers marchands (intermédiation) | Produits financiers (intérêts, commissions) |
Ménages (y.c. entreprises individuelles EI) | Consommer (et produire pour les EI) | Revenus primaires et de transfert |
Administrations publiques (APU) | Produire des services non marchands, redistribuer | Prélèvements obligatoires |
Institutions sans but lucratif au service des ménages (ISBLSM) | Produire des services non marchands pour leurs membres | Contributions volontaires, dons |
Reste du Monde (RDM) | Regroupe les opérations avec les non-résidents | N/A |
1. Sociétés non financières (SNF) et sociétés financières (SF): Les SNF produisent des biens/services marchands non financiers. Les SF produisent des services financiers (banques, assurances).
2. Ménages: Inclut ménages ordinaires, collectifs et entreprises individuelles (EI). Fonction principale: consommer. Ressources: revenus du travail, capital, transferts sociaux.
3. Administrations publiques (APU): Fournissent services non marchands (gratuits ou prix non significatif < 50% coût production), comme défense, éducation. Financées par prélèvements obligatoires.
4. Institutions sans but lucratif au service des ménages (ISBLSM): Associations, syndicats, partis politiques. Produisent services non marchands pour leurs membres. Ressources: dons, cotisations.
La CN retrace les opérations de production, de répartition du revenu, et de dépense.
1. Les opérations de production: Création de biens/services à partir de facteurs de production (travail, capital). Production marchande (vendue sur un marché), non marchande (gratuite ou quasi), et pour emploi final propre (autoconsommation, ex: loyers imputés des propriétaires occupants). La Valeur Ajoutée (VA) est la richesse réellement créée. $VA = Production (P) - Consommations Intermédiaires (CI)$. Les CI sont les biens/services détruits dans le processus de production. Le PIB est la somme des VA des secteurs résidents.
Valeur Ajoutée (VA) = Production (P) - Consommations Intermédiaires (CI)
2. Les opérations de répartition du revenu: La VA est distribuée: salaires, profits, impôts, dividendes, etc.
3. Les opérations de dépense du revenu: Les revenus sont utilisés pour la consommation finale (satisfaction directe des besoins) et l'investissement (Formation Brute de Capital Fixe - FBCF: acquisition d'actifs fixes utilisés plus d'un an).
1. Expliquez la différence entre un flux réel et un flux monétaire avec un exemple.
2. Quels sont les six secteurs institutionnels reconnus par la Comptabilité Nationale et quelle est la fonction principale des Administrations Publiques (APU)?
3. Définissez la Valeur Ajoutée et expliquez son importance dans la mesure de la production économique.
L'INSEE établit annuellement les comptes de chaque secteur institutionnel, qui, regroupés, forment les Comptes de la Nation. Ils mesurent production, répartition des revenus et leur dépense.
Les comptes retracent les flux monétaires. "Ressources" = entrées de monnaie, "Emplois" = sorties. Chaque compte est équilibré (Ressources = Emplois). L'enchaînement PERRUC:
Le compte de production des ménages calcule leur VA (production marchande des EI, production pour emploi final propre comme loyers imputés, moins CI).
Les comptes de répartition déterminent le Revenu Disponible Brut (RDB) des ménages après prise en compte des salaires, revenus de la propriété, impôts et prestations sociales.
Le compte d'utilisation du revenu montre comment le RDB est partagé entre consommation finale et épargne.
Le compte de capital montre comment l'épargne finance la FBCF des ménages. Si l'épargne > FBCF, le ménage a une capacité de financement; sinon, un besoin de financement.
Note: Les chiffres de 2020 (Figures 2.1, 2.3 du texte original) illustrent ces comptes. Par exemple, les ménages avaient une capacité de financement de 182 Mds € en 2020.
L'ensemble des ressources de l'économie (Production P + Importations IMP) est égal à l'ensemble des emplois (Consommation Finale CF + Consommations Intermédiaires CI + Formation Brute de Capital Fixe FBCF + Exportations EXP + Variation des Stocks VS).
RESSOURCES = EMPLOIS
P + IMP = CF + CI + FBCF + EXP + VS
Sachant que $PIB = \sum VA = P - CI$ (en ajoutant impôts sur produits nets de subventions), on a:
PIB + IMP = CF + FBCF + EXP + VS
PIB = (CF + FBCF + VS) + (EXP - IMP)
PIB = Demande intérieure + Demande extérieure (Solde extérieur)
En 2020, pour la France, Ressources = Emplois = 2 991,5 Mds €. PIB = 2 303 Mds €.
1. Décrivez l'enchaînement PERRUC des comptes d'un secteur institutionnel.
2. Qu'est-ce que la capacité ou le besoin de financement d'un secteur et comment est-il déterminé?
3. Énoncez l'équation de l'équilibre ressources-emplois de l'économie et dérivez-en l'équation du PIB en fonction de la demande.
Le PIB est l'agrégat le plus connu, mesurant la valeur des biens et services produits par les agents résidents. En 2020, le PIB français était de 2 303 Mds €. Il peut être calculé de trois manières:
PIB = Somme des Valeurs Ajoutées des secteurs résidents + Impôts sur les produits (TVA) - Subventions sur les produits.
Le PIB est la somme des revenus distribués lors de la production: PIB = Rémunération des salariés + Excédent Brut d'Exploitation (entreprises) / Revenu Mixte (EI) + Impôts sur la production et les importations - Subventions d'exploitation.
Le PIB correspond à la somme des composantes de la demande intérieure et du solde extérieur:
PIB = Consommation Finale (CF) + Formation Brute de Capital Fixe (FBCF) + Variation des Stocks (VS) + (Exportations (EXP) - Importations (IMP))
Le PIB est donc un indicateur d'activité, de revenus générés, et de demande satisfaite.
La croissance économique est la variation du PIB dans le temps. Le taux de croissance (TC) se calcule par:
TCannée t = ( (PIBt - PIBt-1) / PIBt-1} ) \times 100
Pour mesurer l'évolution réelle de la production, on utilise le PIB en volume (à prix constants), en éliminant l'effet de la variation des prix (déflation). L'INSEE présente les indicateurs en valeur (prix courants) et en volume (prix constants d'une année de référence).
La figure 3.1 du texte original montre l'évolution du TC du PIB en volume, illustrant phases de croissance, ralentissement, crise (ex: -8% en 2020 dû au Covid).
Bien qu'utilisé, le PIB est critiqué:
Malgré ses limites, le PIB est central pour suivre la croissance et comprendre ses déterminants. L'analyse des contributions à la croissance selon l'optique de la demande (CF, FBCF, solde extérieur) montre quels éléments tirent la croissance ou la freinent.
La figure 3.2 du texte original montre que la chute du PIB en 2020 était due à une baisse de la consommation des ménages et de l'investissement, tandis que le solde extérieur a souvent une contribution négative à la croissance française.
1. Quelles sont les trois optiques de calcul du PIB? Donnez la formule pour l'optique de la demande.
2. Pourquoi est-il important de mesurer la croissance du PIB en volume plutôt qu'en valeur?
3. Citez au moins trois limites du PIB en tant qu'indicateur de la richesse et du bien-être d'une nation.
Au-delà d'une lecture des performances passées et de leur compréhension, les tableaux de la comptabilité nationale sont utilisés à des fins de prévisions et orientent l'action des pouvoirs publics. Sur le court terme, la modélisation économique permise est relativement fiable même si des événements conjoncturels peuvent toujours déjouer les prévisions. De très nombreuses décisions de politiques économiques sont fondées sur les prévisions de la CN, comme celles concernant les recettes et les dépenses de l'État.