La première partie a montré comment les opérations économiques s'articulent en un ensemble cohérent. Cependant, le fonctionnement de l'économie n'implique pas qu'elle fonctionne correctement. L'équilibre comptable (constat ex-post des opérations) diffère de l'équilibre économique (compatibilité ex-ante des plans des agents). Si les agents réalisent leurs plans, l'équilibre économique est atteint.
L'équilibre économique macroéconomique est atteint lorsque l'offre globale ($P + IMP$) égale la demande globale ($C + I + EXP$). La théorie économique cherche à comprendre cet équilibre et les déséquilibres (chômage, inflation). Deux optiques principales s'opposent :
Ces approches sont théoriques et utilisent le raisonnement "toute chose égale par ailleurs" pour isoler des relations de cause à effet.
L'économiste conçoit les relations économiques comme des échanges. Ces échanges, étant volontaires, sont mutuellement avantageux. Ils peuvent être bilatéraux ou multilatéraux (nécessitant la monnaie). Le marché est considéré comme le meilleur moyen d'organiser ces échanges.
Un marché est le lieu de rencontre de l'offre et de la demande d'un bien ou service, permettant d'en déterminer le prix. Ce lieu est souvent virtuel. Le prix transforme une chose en marchandise et mesure sa rareté relative (demande > offre). Un prix élevé signale une forte demande pour une faible disponibilité. Les prix véhiculent une information cruciale, incitant à une utilisation efficace des ressources rares.
Un marché est représenté avec la quantité en abscisse et le prix en ordonnée. L'offre est croissante avec le prix, la demande est décroissante. Leur intersection est l'équilibre.
L'offre est la quantité totale d'un bien disponible. Elle agrège les offres individuelles des producteurs. L'offre individuelle est croissante avec le prix : un prix plus élevé incite à vendre plus.
1. Déplacements sur et déplacements de la courbe d'offre: Un déplacement sur la courbe d'offre se produit si le prix change, les producteurs ajustant la quantité offerte. Un déplacement de la courbe d'offre entière survient suite à un choc exogène (ex: catastrophe naturelle affectant la production), modifiant la quantité offerte à un prix donné.
2. L'élasticité-prix de l'offre: Mesure la sensibilité de la quantité offerte à une variation de prix.
Élasticité-prix de l'offre (Eo) = (Variation en % de la Quantité Offerte) / (Variation en % du Prix)
Eo = (ΔQo / Qo) / (ΔP / P)
Une Eo élevée signifie une forte réaction de l'offre au prix. Une offre inélastique (Eo faible) réagit peu (ex: pétrole à court terme). Une offre élastique (Eo élevée) réagit fortement (ex: biens avec substituts faciles).
La demande émane des acheteurs. La demande du marché agrège les demandes individuelles. Elle est décroissante avec le prix : un prix plus élevé réduit la quantité demandée.
1. Déplacements sur la courbe de demande: Si le prix varie, les consommateurs ajustent la quantité demandée. L'élasticité-prix de la demande (Ed) mesure cette sensibilité. Elle est généralement négative.
Élasticité-prix de la demande (Ed) = (Variation en % de la Quantité Demandée) / (Variation en % du Prix)
Ed = (ΔQd / Qd) / (ΔP / P)
Demande faiblement élastique (proche de 0) pour les biens indispensables (ex: médicaments vitaux). Demande élastique (fortement négative) pour les biens de moindre nécessité ou avec substituts (ex: loisirs).
2. Déplacements de la fonction de demande: Un choc exogène (ex: campagne de sensibilisation, changement de goûts) déplace toute la courbe de demande, modifiant la quantité demandée à un prix donné.
L'équilibre est le point de rencontre entre l'offre et la demande. Au prix d'équilibre ($P^*$), la quantité offerte égale la quantité demandée ($Q^*$). Tous les intervenants souhaitant échanger à ce prix sont satisfaits. Ceux pour qui le prix est trop élevé (demandeurs) ou trop bas (offreurs) se retirent du marché.
1. Quelle est la différence entre un déplacement *sur* la courbe d'offre et un déplacement *de* la courbe d'offre?
2. Définissez l'élasticité-prix de la demande. Donnez un exemple de bien à demande élastique et un exemple de bien à demande inélastique.
3. Comment se détermine le prix et la quantité d'équilibre sur un marché?
Les marchés sont performants en concurrence pure et parfaite (CPP), un idéal où le résultat économique est le meilleur possible. La politique de concurrence vise à s'en approcher.
La CPP existe si les agents sont "preneurs de prix" (price takers), ne pouvant influencer le prix. Quatre conditions :
Ces conditions assurent la flexibilité des prix et l'application de la loi de l'offre et de la demande.
Mécanisme "ce qui est rare est cher". Si offre > demande, prix baisse. Si demande > offre, prix augmente, jusqu'à l'équilibre.
Si prix > prix d'équilibre, offre excédentaire $\rightarrow$ prix baisse $\rightarrow$ demande augmente, offre diminue $\rightarrow$ retour à l'équilibre. Si prix < prix d'équilibre, demande excédentaire $\rightarrow$ prix augmente $\rightarrow$ demande diminue, offre augmente $\rightarrow$ retour à l'équilibre.
Un choc exogène déplaçant la demande (ex: D augmente) ou l'offre (ex: O augmente) crée un déséquilibre temporaire. La variation des prix rétablit un nouvel équilibre ($P'$ et $Q'$).
Le travail (L) s'échange contre un salaire (w). Offre de travail croissante avec w, demande de travail décroissante.
Si un choc réduit la demande de travail (ex: fermeture d'usine), au salaire initial, offre > demande. Le salaire baisse jusqu'à un nouvel équilibre avec moins d'emploi. À cet équilibre, il n'y a pas de chômage involontaire (ceux qui veulent travailler au nouveau salaire trouvent un emploi). Il peut y avoir du chômage volontaire (ceux qui ne veulent pas travailler au salaire d'équilibre).
Si les salaires ne sont pas flexibles à la baisse (ex: salaire minimum, réglementation), et qu'un salaire w est supérieur au salaire d'équilibre $w^*$, alors l'offre de travail à w ($L_O$) sera supérieure à la demande de travail à w ($L_D$). La différence ($L_O - L_D$) est du chômage involontaire persistant.
L'économie a de nombreux marchés interdépendants.
L'équilibre partiel concerne un seul marché. L'équilibre général est l'équilibre simultané de tous les marchés. Son existence dépend de la flexibilité des prix sur tous les marchés, donc du degré de concurrence.
L'équilibre général en CPP est :
La politique de concurrence vise à faire régner la CPP.
Les règles de CPP ne sont pas simples à établir et les agents ne s'y plient pas spontanément. Chaque entreprise cherche à gagner du pouvoir de marché, potentiellement en éliminant des concurrents, ce qui peut mener à la concentration et au monopole (opposé de la CPP).
Le monopole a un pouvoir de marché, fixe un prix plus élevé et vend une quantité moindre qu'en CPP, au détriment des consommateurs. C'est sous-optimal. Les monopoles érigent des barrières à l'entrée (ex: prix prédateurs, surcapacités). La plupart des marchés sont en concurrence imparfaite. La politique de concurrence (lois anti-trust, contrôle des abus de position dominante) vise à s'assurer que les stratégies des entreprises ne pénalisent pas le consommateur et à maintenir un degré de concurrence élevé.
1. Quelles sont les quatre conditions de la concurrence pure et parfaite?
2. Expliquez la différence entre chômage volontaire et chômage involontaire dans le contexte du marché du travail.
3. Qu'est-ce que l'optimalité au sens de Pareto et pourquoi est-elle associée à l'équilibre général en concurrence parfaite?
Contrairement à l'approche par les marchés, la théorie keynésienne soutient que chômage et production dépendent des perspectives de débouchés des entreprises: la demande effective. L'économie est vue comme un circuit, où les anticipations face à l'incertitude sont centrales.
La théorie standard (des marchés) suppose une information parfaite, même sur le futur, ce que Keynes conteste.
Keynes postule une incertitude radicale: l'avenir est fondamentalement imprévisible. Face à cela, les agents :
La demande de monnaie est donc instable. Renoncer à la liquidité (pour un placement) a un coût psychologique. Le taux d'intérêt (r) rémunère cette renonciation. Ainsi, la demande de monnaie varie en sens inverse du taux d'intérêt.
La demande effective est la production que les entrepreneurs décident de mettre en œuvre, compte tenu de leurs anticipations de la demande future et de leurs capacités de production. Le volume de l'emploi dépend de cette demande effective. Rien ne garantit le plein-emploi. Un équilibre de sous-emploi est possible: l'offre globale égale la demande globale, mais il existe du chômage involontaire car le niveau de production n'est pas suffisant pour employer toute la population active.
La demande globale dépend de la consommation (C) et de l'investissement (I) (en économie fermée).
La consommation globale (C) des ménages dépend du revenu national (Y). $Y = C + S$ (S = Épargne). La propension moyenne à consommer = C/Y. Keynes énonce la loi psychologique fondamentale: lorsque le revenu augmente, la consommation augmente, mais dans une moindre proportion. La propension marginale à consommer (pmc) est la variation de C suite à une variation de Y: $pmc = \Delta C / \Delta Y$. Elle est positive et inférieure à 1 ($0 < pmc < 1$). Keynes la suppose relativement stable.
Propension Marginale à Consommer (pmc) = ΔC / ΔY
L'investissement (I) dépend du taux d'intérêt (r). Les entrepreneurs comparent r à l'efficacité marginale du capital (emc), qui est le rendement anticipé du projet d'investissement (une variable psychologique, dépendante des anticipations). Un entrepreneur investit si $emc > r$. Au niveau global, l'investissement est une fonction décroissante du taux d'intérêt: plus r est bas, plus de projets sont rentables (emc > r), donc I est plus élevé.
Le taux d'intérêt est déterminé sur le marché de la monnaie. L'offre de monnaie (M) est considérée comme exogène (fixée par les autorités monétaires). La demande de monnaie dépend du revenu (transaction) et du taux d'intérêt (spéculation, préférence pour la liquidité). Elle est décroissante par rapport au taux d'intérêt. La confrontation de l'offre et de la demande de monnaie détermine le taux d'intérêt d'équilibre.
Le schéma keynésien repose sur trois variables psychologiques clés :
Ces variables, influencées par l'incertitude et les anticipations, déterminent les niveaux de consommation, d'investissement, le taux d'intérêt, et in fine, la demande effective et le niveau d'emploi.
1. Qu'est-ce que la "demande effective" selon Keynes et quel rôle joue-t-elle dans la détermination du niveau d'emploi?
2. Expliquez la "préférence pour la liquidité" et son lien avec le taux d'intérêt.
3. Quels sont les deux principaux déterminants de l'investissement dans le modèle keynésien?
Les politiques conjoncturelles sont des actions de l'État visant à améliorer la conjoncture (croissance, emploi) à court terme en stimulant la demande effective. Trois types principaux : politique de revenu, politique monétaire, politique budgétaire.
Keynes a développé sa théorie en réponse à la Grande Dépression, s'opposant à l'analyse classique du retour automatique à l'équilibre.
La demande de monnaie pour motif de spéculation reflète l'arbitrage entre détenir de la monnaie (sans risque, sans rendement) et des titres (risqués, rapportent). Le cours des titres varie inversement au taux d'intérêt. Si les cours sont très élevés (taux d'intérêt très bas), les spéculateurs anticipent une baisse des cours et préfèrent détenir de la monnaie: c'est la trappe à la liquidité. La demande de monnaie devient infiniment élastique au taux d'intérêt plancher. C'est ce qui s'est passé avant le krach de 1929.
Krach boursier $\rightarrow$ taux d'intérêt augmente brutalement, confiance s'effondre $\rightarrow$ efficacité marginale du capital (emc) chute $\rightarrow$ investissement s'effondre $\rightarrow$ production baisse $\rightarrow$ revenus distribués baissent $\rightarrow$ consommation baisse $\rightarrow$ demande effective s'effondre davantage. C'est un cercle vicieux. Keynes prône l'intervention de l'État.
Consiste à verser des revenus aux ménages pour maintenir/accroître leur consommation. L'État peut influencer les revenus via les salaires des fonctionnaires, le SMIC, les revenus sociaux, la fiscalité. Plus efficace si elle cible les ménages pauvres (pmc plus élevée). Risque: Si la consommation supplémentaire se porte sur des produits importés, cela ne relance pas la production nationale (ex: relance Mauroy en France en 1981).
Consiste à contrôler les liquidités via l'offre de monnaie (masse monétaire), gérée par la banque centrale. Une politique expansionniste augmente l'offre de monnaie pour baisser le taux d'intérêt et stimuler l'investissement.
Instruments : opérations d'open market (achat/vente de titres par la banque centrale), fixation du taux directeur.
Limites d'efficacité :
Keynes favorise cette politique. L'État intervient directement en augmentant ses dépenses, notamment d'investissement (grands travaux). Cela offre des débouchés aux entreprises et réduit l'incertitude.
L'effet multiplicateur: Une dépense publique initiale de $\Delta G$ engendre une augmentation du revenu national supérieure à $\Delta G$. Le revenu augmente, donc la consommation augmente (selon la pmc), ce qui augmente encore le revenu, etc. Le multiplicateur de dépense est $k = 1 / (1 - pmc)$. L'augmentation totale du revenu est $\Delta Y = k \times \Delta G$.
Multiplicateur Keynésien (k) = 1 / (1 - pmc)
Variation du Revenu (ΔY) = k * Variation des Dépenses Publiques (ΔG)
Limites :
Un policy mix (politique budgétaire expansionniste combinée à une politique monétaire accommodante pour maintenir des taux bas) peut contrer l'effet d'éviction. Sa mise en œuvre est complexe (ex: en zone euro, politique budgétaire nationale vs. politique monétaire BCE).
1. Qu'est-ce que la "trappe à la liquidité" et quel problème pose-t-elle pour la politique monétaire?
2. Expliquez le principe de l'effet multiplicateur de la politique budgétaire.
3. Qu'est-ce que l'"effet d'éviction" et comment peut-il limiter l'efficacité d'une politique budgétaire de relance?
La Partie 2 a exploré deux approches théoriques majeures en économie. L'approche néoclassique met l'accent sur le fonctionnement efficient des marchés en concurrence parfaite pour atteindre un équilibre optimal. L'approche keynésienne, quant à elle, souligne le rôle de la demande effective, l'impact de l'incertitude et la possibilité d'équilibres de sous-emploi, justifiant ainsi l'intervention de l'État par des politiques conjoncturelles pour stabiliser l'économie. Comprendre ces deux cadres d'analyse est essentiel pour interpréter les débats économiques contemporains et les choix de politique économique.