La protection sociale repose sur l'idée que les individus ne doivent pas être laissés seuls face aux aléas de la vie et du marché, surtout lorsqu'ils ne peuvent subvenir à leurs besoins (maladie, invalidité, vieillesse). Si certains économistes contestent la légitimité des interventions sociales (coût, effets pervers), les sociétés se sont organisées pour mutualiser les risques, d'abord via des sociétés de secours mutuels, puis par des systèmes d'assistance et d'assurance plus systématiques.
En Europe, bien que les formes varient, une intervention collective, publique et obligatoire est reconnue comme nécessaire. Le système français, mis en place après la Seconde Guerre mondiale avec la Sécurité sociale (1945-1946), est un pivot. Il repose sur les assurances sociales (protéger les actifs et leur famille), est financé par cotisations (travailleurs et employeurs), et géré en partie par les partenaires sociaux. L'État, les collectivités et des administrations privées complètent ce rôle.
Durant les "Trente Glorieuses", la protection sociale s'est étendue quantitativement et qualitativement, couvrant plus de populations et de risques, organisant la solidarité par la redistribution. D'un point de vue keynésien, elle soutient aussi la demande globale. Depuis les années 1970, la crise économique et les déficits ont mis en avant les questions financières, menant à des réformes, bien que les dépenses continuent de progresser.
Le système de protection sociale vise à prémunir les individus contre les conséquences financières des "risques sociaux" (maladie, vieillesse, chômage, etc.). Il repose sur la mutualisation, c'est-à-dire le partage collectif de ces risques, par opposition à une prévoyance purement individuelle. En France, la Sécurité Sociale, créée en 1945, est le pilier de ce système, complétée par l'État et d'autres organismes.
La protection sociale englobe tous les mécanismes de prévoyance collective (publics ou privés) permettant de faire face aux conséquences financières d'un risque social ou d'un besoin social.
1. La nature du risque social: Événements affectant la situation économique des individus (perte de revenu, augmentation des dépenses). Les 6 risques principaux identifiés sont :
Les prestations sont majoritairement en espèces (revenus de substitution) ou en nature (remboursement de soins).
2. Le champ de la protection sociale: (Figure 8.2)
Le système français est hybride, combinant deux logiques (Tableau inspiré de Figure 8.3):
Caractéristique | Logique Bismarckienne (Assurance) | Logique Beveridgienne (Assistance/Universelle) |
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Bénéficiaires | Travailleurs cotisants et ayants droit | Citoyens (résidents) |
Prestations | Proportionnelles aux cotisations/revenus | Forfaitaires (selon les besoins) |
Financement | Cotisations sociales (sur les salaires) | Impôt (solidarité nationale) |
Gestion | Corporatiste (partenaires sociaux) | Étatique |
La Sécurité sociale de 1945 s'inspire de Beveridge mais avec un fort héritage bismarckien. L'assistance complète l'assurance pour ceux n'ayant pas ou peu de droits contributifs. Le chômage de masse a renforcé le rôle de l'assistance.
1. Les dépenses de protection sociale:
La France a un taux de dépenses sociales rapporté au PIB parmi les plus élevés (Figure 8.4: 1er rang OCDE en 2018, >30% du PIB, contre 20% moyenne OCDE). Ce taux a fortement progressé depuis 1980 (Figure 8.5). Une hausse peut être due à une accélération des prestations ou un ralentissement du PIB. Les dépenses de protection sociale jouent un rôle d'amortisseur économique en crise (stabilisateur automatique).
Structurellement (Figure 8.6), les postes "vieillesse-survie" et "santé-invalidité" ont le plus progressé, dû au vieillissement démographique, à l'allongement de l'espérance de vie, à la demande de soins et au progrès technique. La crise sanitaire de 2020 a fortement accru les dépenses, notamment pour l'emploi (chômage partiel) et la santé (Figure 8.7).
2. Les ressources de la protection sociale: (Tableau inspiré de Figure 8.8 pour 2020)
Type de Ressource | Montant (Mds €) | % du total |
---|---|---|
Cotisations sociales | 437 | 53,1% |
Impôts et taxes affectés (dont CSG) | 245 | 29,8% |
Contributions publiques de l'État | 129 | 15,6% |
Produits financiers et autres recettes | 11 | 1,3% |
Total | 822 | 100% |
Les cotisations sociales (part employeurs, part salariés) restent la principale source, mais leur part diminue. La part des impôts et taxes affectés augmente, notamment avec la CSG (Contribution Sociale Généralisée, créée en 1991, assise sur tous les revenus), visant à diversifier le financement et alléger le coût du travail. Les contributions publiques sont des versements de l'État (subventions, financement de prestations comme le RSA).
1. Le déficit récurrent de la Sécurité sociale: (Figure 8.9)
Depuis les années 1970, le régime général de la Sécurité sociale est souvent déficitaire. Le "trou de la Sécu" s'explique par :
Les plans de redressement ont d'abord augmenté les recettes, puis se sont orientés vers des réformes structurelles des dépenses.
2. Des réformes qui transforment la protection sociale:
Les réformes visent à renforcer le lien cotisations-prestations et à mieux cibler les publics. Exemples :
Le système français de protection sociale a profondément évolué. Le rôle de l'assistance s'est accru (RSA, CMU, allocations logement) face au chômage et à la précarité. Les mécanismes assurantiels bénéficient davantage à ceux avec une capacité contributive suffisante. Cela soulève des questions d'égalité d'accès, de droits, et d'efficacité économique et sociale, qui restent au cœur des débats.
1. Citez les six principaux risques sociaux couverts par la protection sociale en France.
2. Expliquez la différence entre la logique d'assurance (Bismarckienne) et la logique d'assistance (Beveridgienne) dans le système de protection sociale français.
3. Quelles sont les trois principales sources de financement de la protection sociale en France et comment leur importance relative a-t-elle évolué?
4. Citez deux facteurs structurels contribuant au déficit de la Sécurité sociale.
5. Donnez un exemple de réforme ayant affecté l'assurance maladie et un exemple pour le système de retraite en France.
La protection sociale en France est un système complexe et en constante évolution, cherchant à concilier solidarité, équité et soutenabilité financière. Les défis posés par le vieillissement de la population, les transformations du marché du travail et les crises économiques nécessitent des adaptations continues. Les débats autour de son financement, de l'étendue de sa couverture et de son efficacité restent centraux dans la société française, reflétant les choix collectifs sur la manière de faire face aux aléas de la vie et de garantir une cohésion sociale.