Chapitre 2 : L'Impôt sur les Sociétés (IS)
L'Impôt sur les Sociétés (IS) est un impôt distinct de l'Impôt sur le Revenu (IR). Il frappe directement les bénéfices réalisés par certaines personnes morales, principalement les sociétés de capitaux. Contrairement à l'IR qui est progressif, l'IS est un impôt proportionnel.
Ce chapitre présente son champ d'application, les règles de territorialité, la détermination de sa base imposable et sa liquidation.
Section 1 : Champ d'Application de l'IS
Toutes les sociétés ne sont pas soumises à l'IS. Le Code Général des Impôts (Art. 206 CGI) distingue les sociétés soumises de plein droit, celles soumises sur option, et celles qui en sont exclues.
a. Sociétés Soumises de Plein Droit
Sont obligatoirement soumises à l'IS, quel que soit leur objet (civil ou commercial) :
- Les Sociétés de Capitaux :
- Sociétés Anonymes (SA)
- Sociétés en Commandite par Actions (SCA)
- Sociétés à Responsabilité Limitée (SARL) n'ayant pas opté pour le régime des sociétés de personnes.
- Sociétés par Actions Simplifiées (SAS, SASU)
- Les Sociétés Coopératives et leurs unions.
- Certains Établissements Publics et organismes de l'État ou des collectivités locales ayant une activité lucrative.
- Toute autre personne morale se livrant à une exploitation ou à des opérations de caractère lucratif.
b. Sociétés Soumises sur Option
Certaines sociétés, normalement soumises à l'IR (régime des sociétés de personnes), peuvent opter pour l'assujettissement à l'IS. Cette option est généralement irrévocable.
- Sociétés en Nom Collectif (SNC)
- Sociétés en Commandite Simple (SCS)
- Sociétés Civiles ayant une activité industrielle ou commerciale
- Sociétés en Participation
- Entreprises Unipersonnelles à Responsabilité Limitée (EURL) dont l'associé unique est une personne physique.
- Exploitations Agricoles à Responsabilité Limitée (EARL).
- Certaines SARL dites "de famille".
L'option peut être intéressante pour réinvestir les bénéfices dans l'entreprise (taux d'IS potentiellement inférieur aux tranches hautes de l'IR), pour faciliter la gestion fiscale, ou pour bénéficier de certains régimes spécifiques (intégration fiscale...). C'est une décision stratégique majeure pour l'entreprise et ses associés.
c. Sociétés Exclues (Relevant de l'IR)
Par défaut, les sociétés dites "transparentes" ou "translucides" ne sont pas soumises à l'IS. Leurs bénéfices sont imposés directement entre les mains de leurs associés à l'IR (dans les catégories BIC, BNC, BA ou RF selon l'activité).
- Sociétés de Personnes n'ayant pas opté pour l'IS (SNC, SCS, Sociétés Civiles non commerciales...).
- Sociétés en Participation (sauf option IS).
- Groupements d'Intérêt Économique (GIE) (sauf option IS).
- EURL dont l'associé unique est une personne physique (sauf option IS).
Pour les sociétés civiles notamment, le caractère commercial ou non de l'activité est déterminant pour savoir si elles relèvent de l'IR ou de l'IS (de plein droit ou sur option). Une requalification par l'administration peut avoir des conséquences importantes.
Section 2 : Territorialité de l'IS
Contrairement à l'IR qui repose sur le domicile fiscal de la personne, l'IS obéit à un principe strict de territorialité.
- Principe (Art. 209 CGI) : L'IS ne frappe que les bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France.
- Conséquence : Les bénéfices réalisés par des succursales ou établissements stables situés à l'étranger ne sont, en principe, pas imposables à l'IS en France (et inversement, les charges liées à ces exploitations ne sont pas déductibles). Peu importe la nationalité de la société mère.
- Exception (Art. 209 C CGI) : Régime optionnel permettant sous conditions de déduire certains déficits subis par des filiales ou succursales étrangères.
- Conventions Fiscales : Ce principe est aménagé par les conventions fiscales internationales qui répartissent le droit d'imposer les bénéfices entre les États pour éviter les doubles impositions.
Section 3 : Détermination du Résultat Imposable
L'IS est assis sur le bénéfice réalisé par la société au cours d'un exercice comptable (généralement 12 mois).
a. Les Principes Généraux
- Rattachement aux Règles BIC : Quelle que soit l'activité réelle de la société (commerciale, civile, libérale...), si elle est soumise à l'IS, son résultat est déterminé selon les règles applicables aux Bénéfices Industriels et Commerciaux (BIC).
- Principe de Globalité : L'IS frappe l'ensemble des profits et bénéfices réalisés par la société pendant l'exercice, y compris les produits financiers ou exceptionnels. Les déficits sont imputables sur ces bénéfices.
- Principe d'Annualité (Art. 36 CGI) : Le résultat est calculé exercice par exercice. Les produits et charges doivent être rattachés à l'exercice au cours duquel ils sont acquis ou engagés, indépendamment de leur date d'encaissement ou de décaissement (logique de la comptabilité d'engagement).
b. Le Résultat Imposable
- Base de Calcul : Le bénéfice imposable est déterminé à partir du résultat comptable de l'exercice.
- Méthode : Différence entre les produits et les charges de l'exercice, ou comparaison de l'actif net à l'ouverture et à la clôture de l'exercice.
- Composition : Inclut le résultat d'exploitation, le résultat financier et le résultat exceptionnel (plus ou moins-values...).
Différence entre la valeur des éléments d'actif et la somme des dettes, amortissements et provisions justifiées.
c. Résultat Comptable vs Résultat Fiscal
Le résultat fiscal (base de l'IS) n'est pas toujours identique au résultat comptable. Des ajustements extra-comptables sont nécessaires pour tenir compte des règles fiscales spécifiques.
- Réintégrations Fiscales : Certaines charges déduites en comptabilité ne sont pas admises en déduction fiscale (ou seulement partiellement). Elles doivent être ajoutées au résultat comptable pour obtenir le résultat fiscal.
- Exemples : Amendes et pénalités, certaines provisions non conformes, amortissements excédentaires, une partie des charges financières (si sous-capitalisation), impôt sur les sociétés lui-même...
- Déductions Fiscales : Certains produits inclus dans le résultat comptable sont exonérés d'IS ou bénéficient d'un régime de faveur fiscal. Ils sont déduits du résultat comptable.
- Exemples : Plus-values à long terme sur titres de participation (quasi-exonération), produits de filiales bénéficiant du régime mère-fille, certains crédits d'impôt...
Section 4 : La Liquidation de l'Impôt
Une fois le résultat fiscal déterminé, l'IS est calculé en appliquant le taux en vigueur.
- Impôt Proportionnel : L'IS est calculé en appliquant un taux fixe au résultat fiscal (contrairement au barème progressif de l'IR).
- Taux Normal : La loi de finances pour 2018 et 2019 ont amorcé une baisse progressive du taux normal d'IS, visant 25% en 2022 (selon le texte fourni). Pour les exercices ouverts en 2019, le texte mentionne 31% (et 28% pour la fraction < 500k€). *(Note: Le taux normal est effectivement de 25% depuis le 1er janvier 2022)*.
- Taux Réduit PME : Les petites et moyennes entreprises bénéficient sous conditions (CA < 10 M€, capital libéré et détenu à 75% par pers. physiques...) d'un taux réduit (historiquement 15%) sur une fraction de leur bénéfice (limitée à 38 120 €, puis 42 500 €).
- Contributions Additionnelles : D'autres contributions peuvent s'ajouter à l'IS (ex: contribution sociale sur les bénéfices).
- Paiement : L'IS est payé par la société elle-même via 4 acomptes provisionnels au cours de l'exercice, et un solde après la clôture des comptes.
Points Clés du Chapitre 2 (Partie 2)
Ce chapitre a présenté les fondamentaux de l'Impôt sur les Sociétés :
- Il s'applique principalement aux sociétés de capitaux, avec une option possible pour certaines sociétés de personnes.
- Il obéit au principe de territorialité (imposition des bénéfices d'exploitations situées en France).
- Sa base est le résultat fiscal, obtenu après retraitements extra-comptables (réintégrations/déductions) du résultat comptable, déterminé selon les règles des BIC.
- C'est un impôt proportionnel, dont le taux normal a connu une baisse significative ces dernières années.
Comprendre le champ d'application et les mécanismes de détermination du résultat est essentiel pour toute personne travaillant avec ou pour des sociétés soumises à l'IS.