L'administration et les juridictions du travail Partie 1 - Chapitre 3
L'application effective du droit social repose sur un ensemble d'institutions chargées d'en assurer le respect et de régler les conflits qu'il génère[cite: 326]. Ce chapitre présente ces acteurs institutionnels clés, qui se répartissent en deux grandes catégories : d'une part, l'administration spécialisée (Section 1), qui exerce un rôle de contrôle, de conseil et parfois de décision ; d'autre part, les juridictions compétentes (Section 2), qui tranchent les litiges entre les acteurs des relations de travail.
Section 1: L'Administration du Travail
Divers organes administratifs interviennent pour veiller à l'application de la législation du travail et mettre en œuvre les politiques de l'emploi[cite: 327].
A. L'Inspection du Travail : Le Gendarme du Droit Social
Organe de contrôle essentiel [cite: 327]Au cœur du dispositif administratif se trouve l'Inspection du travail, dont les agents (inspecteurs et contrôleurs) jouent un rôle fondamental pour garantir le respect des droits des salariés sur le terrain.
- Missions Fondamentales :
- Contrôle de l'Application du Droit : Vérifier le respect de l'ensemble des règles du droit du travail (Code du travail, conventions collectives) par les employeurs[cite: 328]. Cela couvre la durée du travail, l'hygiène et la sécurité, les contrats, la représentation du personnel, etc.
- Constatation des Infractions : Relever les manquements par procès-verbaux, pouvant aboutir à des sanctions administratives ou pénales[cite: 328].
- Lutte contre le Travail Illégal : Action prioritaire contre le travail dissimulé, le prêt illicite de main-d'œuvre, le marchandage et l'emploi d'étrangers sans titre[cite: 329].
- Pouvoir de Décision : Prendre des décisions administratives exécutoires dans les cas prévus par la loi, notamment l'autorisation ou le refus de licencier un salarié protégé[cite: 330].
- Conseil et Information : Renseigner employeurs, salariés et représentants sur leurs droits et obligations[cite: 331].
- Moyens d'Intervention : Pour exercer leurs missions, les inspecteurs disposent de prérogatives importantes[cite: 332]:
- Droit d'Entrée : Accès libre à tout lieu de travail.
- Droit d'Enquête : Interrogation des personnes présentes, exigence de communication de documents (registres, contrats...).
- Droit de Prélèvement : Pour analyse de substances.
- Appui Technique : Possibilité de se faire assister par des experts (médecins inspecteurs, ingénieurs de prévention)[cite: 333].
- Protection et Sanctions : Le délit d'obstacle aux fonctions de l'inspecteur est une infraction pénale[cite: 334].
B. Les Autres Institutions Administratives
L'organisation administrative a été remaniée ces dernières années, et d'autres acteurs jouent un rôle significatif[cite: 340].
- Les DREETS et DDETS(PP) : Les Directions Régionales de l'Économie, de l'Emploi, du Travail et des Solidarités (DREETS) [cite: 335] (et leurs antennes départementales, les DDETS ou DDETS-PP [cite: 337]) ont remplacé les anciennes DIRECCTE depuis 2021. Elles regroupent les services de l'État dans ces domaines et constituent l'échelon régional et départemental de l'administration du travail[cite: 336, 337]. L'inspection du travail y est rattachée[cite: 335], mais dépend hiérarchiquement de la Direction Générale du Travail (DGT) pour ses missions de contrôle[cite: 338, 339].
- Administration Centrale : Au niveau national, la DGT élabore la politique du travail, tandis que la Délégation Générale à l'Emploi et à la Formation Professionnelle (DGEFP) gère les politiques de l'emploi et de la formation[cite: 339].
- Pôle Emploi : Établissement public à statut particulier[cite: 341], chargé du service public de l'emploi (placement, indemnisation du chômage, accompagnement des demandeurs d'emploi)[cite: 342].
- Le Défenseur des Droits (DDD) : Autorité constitutionnelle indépendante[cite: 343], compétente pour lutter contre les discriminations, y compris dans le domaine de l'emploi, défendre les droits des enfants, et traiter les relations avec les services publics[cite: 343]. Il peut être saisi gratuitement par toute personne s'estimant lésée.
Section 2: Les Juridictions du Travail
Le règlement des litiges nés des relations de travail est réparti entre plusieurs juridictions, selon la nature du conflit[cite: 344, 346].
A. Le Conseil de Prud'hommes (CPH) : Le Juge du Contrat Individuel
Juridiction spécialisée et paritaire [cite: 347, 349]Le CPH est la juridiction de première instance naturelle pour la majorité des conflits individuels du travail[cite: 347].
- Compétence d'Attribution : Il règle les différends qui peuvent s'élever à l'occasion de tout contrat de travail de droit privé (ou contrat d'apprentissage) entre les employeurs (ou leurs représentants) et les salariés qu'ils emploient[cite: 347]. Cela concerne la formation, l'exécution, et surtout la rupture du contrat (contestation de licenciement, demande de salaires, harcèlement...).
- Composition Paritaire Unique : Sa grande spécificité est d'être composé à parts égales de conseillers salariés et de conseillers employeurs[cite: 349]. Ce ne sont pas des magistrats professionnels[cite: 348]; ils sont nommés pour 4 ans sur proposition des organisations syndicales et patronales représentatives[cite: 349].
- Organisation : Divisé en 5 sections (industrie, commerce, agriculture, activités diverses, encadrement)[cite: 350]. Chaque affaire est attribuée à une section en fonction de l'activité principale de l'employeur ou du statut du salarié (cadre).
- Procédure Simplifiée :
- **Saisine :** Par requête remise ou adressée au greffe[cite: 351].
- **Bureau de Conciliation et d'Orientation (BCO) :** Phase obligatoire (sauf exceptions) visant à trouver un accord amiable[cite: 352]. Peut ordonner des mesures provisoires (ex: versement de provisions sur salaire).
- **Bureau de Jugement :** En cas d'échec de la conciliation, composé de 4 conseillers (2 salariés, 2 employeurs), il tranche le litige[cite: 352].
- **Départage :** Si les voix sont partagées (2/2), l'affaire est rejugée par le bureau de jugement présidé par un juge du Tribunal Judiciaire[cite: 352].
- **Référé :** Procédure rapide pour les cas d'urgence ou évidents[cite: 355].
B. Les Autres Juridictions Intervenant en Matière Sociale
Le paysage judiciaire social est fragmenté, de nombreux litiges échappant à la compétence exclusive du CPH[cite: 356, 358].
- Tribunal Judiciaire (TJ) : Compétences importantes[cite: 359, 360, 361, 362]:
- Contentieux Électoral : Contestation de la régularité des élections professionnelles (CSE).
- Litiges Collectifs : Actions relatives à l'application ou l'interprétation d'accords collectifs, au fonctionnement des IRP (hors élections), au droit syndical, à la reconnaissance d'UES...
- Contentieux de la Sécurité Sociale : Litiges avec les organismes (URSSAF, CPAM...) et contentieux de l'incapacité (reprise des compétences TASS/TCI).
- Tribunal de Commerce : Intervient principalement lors des procédures collectives (sauvegarde, redressement, liquidation)[cite: 362], qui impactent lourdement l'emploi. Peut aussi traiter des actions en concurrence déloyale liées au travail (ex: violation clause non-concurrence par nouvel employeur)[cite: 362].
- Juridictions Pénales : Traitent les infractions au droit du travail (délit d'entrave, travail dissimulé, harcèlement pénal, homicide ou blessures involontaires liés à un accident du travail...)[cite: 363, 364].
- Juridictions Administratives : Essentielles pour contester les décisions administratives en matière sociale (décision de l'inspecteur du travail sur un licenciement protégé, arrêté d'extension d'une convention, validation/homologation d'un PSE...)[cite: 365]. Compétentes aussi pour le contentieux de la fonction publique.
- Cours Supérieures et Supranationales : La Cour d'appel, la Cour de cassation, le Conseil d'État, le Conseil constitutionnel, la CJUE et la Cour EDH jouent un rôle clé dans l'unification et l'évolution du droit social[cite: 366].