Procédure Civile – Partie 2: Le Recours à la Justice

Comprendre qui sont les acteurs de la justice et comment s'exerce le droit fondamental d'agir en justice, ainsi que les alternatives au procès.

Chapitre 1: Les Acteurs de la Justice

Magistrats professionnels et non professionnels, auxiliaires de justice (avocats, officiers publics et ministériels, collaborateurs).

Chapitre 2: L'Action en Justice

Conditions d'ouverture, mécanismes, compétence juridictionnelle et modes alternatifs de règlement des différends (MARD).

Chapitre 1: Les Acteurs de la Justice

La justice est rendue par des personnes (les juges et magistrats) avec le concours d'autres professionnels (les auxiliaires de justice) qui assistent les juges ou les parties.

Section 1: Les Magistrats et les Juges

Le terme "magistrat" désigne juridiquement les membres de la magistrature bénéficiant d'un statut corporel spécifique. On distingue les magistrats professionnels, de carrière, des juges non professionnels.

A. Les Magistrats Professionnels

1. Les Magistrats de l'Ordre Judiciaire
Statut et Organisation :

La magistrature de l'ordre judiciaire regroupe l'ensemble des magistrats exerçant au sein de la justice judiciaire. Leur statut est principalement fixé par l'ordonnance du 22 décembre 1958 (n° 58-1270). Ce sont des agents publics rémunérés par l'État, dépendant du ministère de la Justice.

Recrutement et Carrière : L'accès principal se fait par concours (École Nationale de la Magistrature - ENM), mais il existe des recrutements par concours interne, sur titre ou par intégration directe pour des professionnels expérimentés. Les magistrats sont nommés par décret du Président de la République. Ils prêtent serment : "Je jure de bien et fidèlement remplir mes fonctions, de garder le secret des délibérations et de me conduire en tout comme un digne et loyal magistrat." (selon l'article 6 de l'ordonnance du 22 décembre 1958).

Obligations et Incapacités : Ils ont une obligation de servir (dix ans), de statuer (interdiction du déni de justice, voir l'article 4 du Code civil), de garder le secret des délibérations (selon l'article 6 de l'ordonnance du 22 décembre 1958), de réserve, de conduite (tout manquement constitue une faute disciplinaire, d'après l'article 43 de l'ordonnance du 22 décembre 1958), et de résidence. Des incompatibilités existent (activités commerciales, certains mandats électifs). Ils ne peuvent être cessionnaires de procès (article 1597 du Code civil).

Prérogatives et Responsabilité : Ils sont protégés contre menaces et outrages (articles 434-81 et 434-24 du Code pénal). Leur responsabilité pour faute personnelle est engagée différemment selon que la faute est liée ou non à l'exercice de leurs fonctions. En cas de faute lourde ou de déni de justice rattachable à l'activité judiciaire, l'action du justiciable est dirigée contre l'État (article L.141-1 du Code de l'organisation judiciaire ; voir par exemple Cass. Ass. Plén. 23 février 2001, n° 99-16145, affaire petit Gregory).

Magistrats du Siège et du Parquet :

Magistrats du siège (juges) : Chargés de dire le droit en rendant des décisions. Ils bénéficient de l'inamovibilité (prévue à l'alinéa 4 de l'article 64 de la Constitution), ne pouvant recevoir une nouvelle affectation sans leur consentement. C'est une garantie d'indépendance.

Magistrats du parquet (procureurs, ministère public) : Chargés de requérir l'application de la loi et de défendre l'intérêt général. Ils sont soumis à un principe hiérarchique (application de la politique pénale du gouvernement), mais leur parole est libre à l'audience ("la plume est serve mais la parole est libre"). Ils ne bénéficient pas de l'inamovibilité. Le ministre de la Justice ne peut leur adresser d'instructions individuelles en matière pénale (depuis la loi du 25 juillet 2013). Ils ne peuvent être récusés (selon l'alinéa 2 de l'article 669 du Code de procédure pénale) et sont en principe irresponsables, sauf faute personnelle où l'action est dirigée contre l'État (article L.781-1 du Code de l'organisation judiciaire).

Le Conseil Supérieur de la Magistrature (CSM) : Prévu par les articles 64 et 65 de la Constitution, il symbolise l'indépendance de la magistrature. Sa composition a été modifiée par la réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008 pour renforcer son indépendance. Il a des formations distinctes pour le siège et le parquet. Il fait des propositions pour la nomination des hauts magistrats du siège, donne un avis conforme pour les autres magistrats du siège, et un avis simple pour les magistrats du parquet. Il statue en matière disciplinaire.

Chapitre 2: L'Action en Justice

L'action en justice est le droit pour l'auteur d'une prétention d'être entendu par un juge sur le fond de celle-ci, et pour l'adversaire, le droit de discuter de son bien-fondé (conformément à l'article 30 du Code de procédure civile). Elle est facultative et libre, mais son exercice dilatoire ou abusif peut être sanctionné (selon l'article 32-1 du Code de procédure civile).

Section 1: L'Action en Justice devant une Juridiction Étatique

A. Les Conditions d'Ouverture de l'Action en Justice

L'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas où la loi attribue ce droit à des personnes qualifiées (article 31 du Code de procédure civile). Cela suppose un intérêt à agir, une qualité pour agir et une capacité pour agir.

Conditions Cumulatives de l'Action en Justice
1. L'Intérêt à Agir

"Pas d'intérêt, pas d'action". L'intérêt doit être :

  • Légitime (juridiquement protégé)
  • Né et actuel (existant au moment de l'action)
  • Direct et personnel (servir son propre intérêt)

Exceptions pour intérêt futur : actions préventives (art. 145 CPC), référé (art. 809 al. 1 CPC).

2. La Qualité pour Agir

Titre fondant le pouvoir d'agir. Généralement le titulaire du droit.

  • Actions individuelles.
  • Actions collectives (syndicats - art. L.2132-3 C. trav. ; associations de consommateurs - art. L.621-1 C. consom.).
  • Action de groupe (loi du 17 mars 2014 ; art. L.423-1 C. consom.).
3. La Capacité pour Agir

Aptitude à être titulaire de droits et à les exercer.

  • Personnes physiques capables.
  • Personnes morales reconnues et représentées.

Défaut sanctionné par nullité (art. 117 CPC).

Section 2: Les Modes Alternatifs de Règlement des Différends (MARD)

Alternatives au Procès Étatique :

À côté de la justice étatique, des modes alternatifs sont encouragés pour résoudre les conflits de manière plus consensuelle, rapide et discrète. L'article 56 in fine du Code de procédure civile incite à justifier des diligences entreprises en vue d'une résolution amiable avant d'assigner.

Principaux MARD

Mode Alternatif Description Sommaire Rôle du Tiers Intervenant (si applicable)
La Conciliation Recherche d'un accord amiable, souvent avec l'aide d'un conciliateur de justice. Mission du juge (art. 21 CPC). Tentative obligatoire pour litiges < 5000€ (Loi J21) et devant certaines juridictions (CPH). Le conciliateur facilite la discussion et peut proposer des solutions.
La Médiation Processus structuré où un tiers neutre (médiateur) aide les parties à trouver elles-mêmes une solution. Rôle plus actif du médiateur pour guider les parties (art. 131-1 CPC). Le médiateur facilite la communication, identifie les besoins et aide à élaborer des options mutuellement acceptables.
La Transaction Contrat par lequel les parties, par des concessions réciproques, terminent une contestation née ou préviennent une contestation à naître (art. 2044 C. civ.). Doit être écrite (ad probationem). Pas de tiers intervenant dans la transaction elle-même, mais les avocats jouent un rôle crucial dans sa négociation et rédaction.
L'Arbitrage Les parties conviennent de soumettre leur litige à un ou plusieurs arbitres privés qui rendent une sentence arbitrale ayant autorité de la chose jugée (après exequatur). (art. 1442 et s. CPC). L'arbitre (ou le tribunal arbitral) tranche le litige comme le ferait un juge.
Le Droit Collaboratif / Procédure Participative Processus volontaire où les parties et leurs avocats (formés spécifiquement) s'engagent à rechercher une solution amiable et négociée dans un cadre structuré et confidentiel, en dehors de toute instance judiciaire. Les avocats collaborent activement pour trouver une solution mutuellement acceptable.