Introduction aux Voies de Recours
Les voies de recours sont des procédures permettant aux parties insatisfaites d'une décision de justice de la contester afin d'obtenir un nouvel examen du litige ou de faire sanctionner une irrégularité. Elles visent à corriger d'éventuelles erreurs de fait, de droit, ou des vices de procédure.
La recevabilité d'une voie de recours est généralement subordonnée au respect d'un délai strict, qui court à compter de la notification de la décision attaquée (art. 528 du Code de procédure civile). Si un jugement n'est pas notifié dans les deux ans de son prononcé, la partie ayant comparu ne peut plus exercer de recours à titre principal (art. 529 CPC).
L'article 527 du Code de procédure civile distingue :
- Les voies ordinaires de recours : l'opposition et l'appel.
- Les voies extraordinaires de recours : la tierce opposition, le recours en révision et le pourvoi en cassation.
Le délai de recours par une voie ordinaire est d'un mois en matière contentieuse et de quinze jours en matière gracieuse. Ce recours, exercé dans le délai, est suspensif d'exécution (art. 538 et 539 CPC), sauf exceptions. Le juge peut relever le défendeur de la forclusion si, sans faute de sa part, il n'a pas eu connaissance du jugement à temps ou s'est trouvé dans l'impossibilité d'agir (art. 540 CPC).
Chapitre 1: Les Voies Ordinaires de Recours
Ces voies de recours permettent un réexamen large de l'affaire.
Section 1: L'Opposition
L'opposition est une voie de recours ouverte à la partie contre laquelle un jugement a été rendu par défaut, c'est-à-dire en son absence et sans que la citation lui ait été remise à personne (art. 571 CPC). Elle vise à obtenir la rétractation de cette décision et à ce que l'affaire soit rejugée contradictoirement par le même juge, en fait et en droit.
A. Les Conditions de l'Opposition
Conditions relatives au jugement attaqué : L'opposition n'est ouverte que contre les jugements rendus par défaut et en dernier ressort (art. 473 al. 1 CPC). Elle est exclue si l'appel est possible ou si la citation a été délivrée à personne, même si l'appel n'est pas possible. Certaines décisions ne sont pas susceptibles d'opposition (ex: décisions de la Cour de cassation, art. 622 CPC ; ordonnances du juge de la mise en état, art. 776 al. 1 CPC).
Conditions relatives à l'auteur : Seule la partie défaillante peut former opposition (art. 571 al. 2 CPC). Elle doit avoir capacité et intérêt à agir.
Conditions relatives au délai : Le délai est d'un mois à compter de la notification du jugement par défaut (art. 538 CPC). Un jugement rendu sur opposition est toujours réputé contradictoire, une seconde opposition n'est pas possible (art. 578 CPC).
Formes de l'opposition : L'opposition est formée selon les règles de la demande en justice devant la juridiction qui a rendu la décision (citation, acte d'avocat à avocat, ou déclaration au greffe pour une décision d'une cour d'appel). Elle doit être motivée et contenir les moyens du défaillant (art. 573, 574 CPC).
B. Les Effets de l'Opposition
L'opposition a un double effet :
- Effet dévolutif : La juridiction qui a statué est à nouveau saisie de l'affaire en fait et en droit (art. 576 CPC).
- Effet suspensif : L'exécution du jugement par défaut est suspendue jusqu'à ce qu'il soit statué sur l'opposition.
La juridiction statue d'abord sur la recevabilité de l'opposition. Si elle est admise, le premier jugement est rétracté (anéanti), et un nouveau jugement est rendu qui se substitue au premier (art. 572 CPC).
Section 2: L'Appel
L'appel est une voie de recours ordinaire qui tend à faire réformer ou annuler un jugement rendu par une juridiction du premier degré, par une juridiction hiérarchiquement supérieure, la cour d'appel (art. 542 CPC). Il permet un nouvel examen de l'affaire en fait et en droit.
A. Le Droit d'Appel
Le droit d'appel appartient à toute partie qui y a intérêt, si elle n'y a pas renoncé (art. 546 CPC).
- Décisions contestées : En principe, tous les jugements de première instance sont susceptibles d'appel (art. 543 CPC), sauf si la loi l'interdit ou si le litige est d'un montant inférieur au taux de ressort (actuellement 5 000 euros, la décision est alors en premier et dernier ressort). Les jugements avant dire droit ne peuvent généralement être frappés d'appel qu'avec le jugement sur le fond (art. 545 CPC). Les mesures d'administration judiciaire ne sont pas susceptibles d'appel (art. 537 CPC).
- Parties appelantes : Il faut avoir été partie en première instance (demandeur, défendeur, intervenant principal). L'intérêt à faire appel naît de la succombance, c'est-à-dire que le jugement doit causer un grief à l'appelant. Une renonciation à l'appel (expresse ou implicite par acquiescement au jugement non exécutoire - art. 409, 556 et s. CPC) peut faire obstacle à ce droit.
- Délais : Le délai de droit commun est d'un mois en matière contentieuse et de 15 jours en matière gracieuse, à compter de la notification du jugement (art. 538, 719 CPC). Des délais spécifiques existent pour certaines décisions (ex: ordonnances de référé, 15 jours - art. 490 CPC). Le non-respect du délai entraîne l'irrecevabilité de l'appel.
- Formes d'appel : L'appel principal est celui initié par l'appelant. Il existe aussi l'appel incident (formé par l'intimé en réponse à l'appel principal) et l'appel provoqué (dirigé contre une personne non initialement intimée ou émanant d'elle).
La loi du 6 août 2015 a visé à réduire les hypothèses de dualité d'avocats (postulant/plaidant) en étendant la territorialité au ressort de la cour d'appel. L'article 526 du CPC prévoit la radiation du rôle si l'appelant n'exécute pas une décision assortie de l'exécution provisoire, sauf exceptions.
B. Les Effets de l'Appel
L'appel produit deux effets principaux :
- Effet suspensif : L'exercice de l'appel dans le délai suspend l'exécution du jugement de première instance (art. 539 CPC). Cela protège le perdant contre une exécution potentiellement injustifiée si la décision est infirmée. Toutefois, l'exécution provisoire (de droit ou ordonnée par le juge - art. 514, 515 CPC) permet d'exécuter le jugement malgré l'appel, aux risques et périls de celui qui l'exécute.
- Effet dévolutif : L'appel remet la chose jugée en question devant la cour d'appel, qui est saisie pour statuer à nouveau en fait et en droit sur les points critiqués (art. 561 CPC). L'étendue de la dévolution est déterminée par l'acte d'appel et les conclusions des parties ("tantum devolutum quantum appellatum"). En principe, les prétentions nouvelles sont irrecevables en appel (art. 464 CPC), sauf si elles sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire de celles soumises au premier juge (art. 466 CPC), ou si leur fondement juridique est différent tout en tendant aux mêmes fins (art. 465 CPC). La cour peut évoquer l'affaire (statuer sur des points non jugés en première instance) si elle annule un jugement ayant mis fin à l'instance sur une exception de procédure, par exemple (art. 568 CPC).
Chapitre 2: Les Voies de Recours Extraordinaires
Ces voies sont ouvertes dans des cas spécifiés par la loi et n'ont généralement pas d'effet suspensif (CPC. art. 579).
Section 1: Le Pourvoi en Cassation
Le pourvoi en cassation tend à faire censurer par la Cour de cassation la non-conformité aux règles de droit d'un jugement rendu en dernier ressort (art. 604 CPC). La Cour de cassation est juge du droit, non des faits (COJ. art. L. 411-2 al.2). Son rôle est d'unifier l'interprétation de la loi.
Le délai pour former un pourvoi principal est en principe de deux mois à compter de la signification de la décision attaquée (CPC, art. 612).
A. Les Conditions d'Ouverture du Pourvoi en Cassation
- Décisions susceptibles de pourvoi : Jugements rendus en dernier ressort par les juridictions de l'ordre judiciaire (art. 605 CPC, COJ art. L. 411-2). Le jugement doit avoir un caractère juridictionnel et faire grief. Les jugements mixtes (tranchant une partie du principal et ordonnant une mesure d'instruction) ou ceux statuant sur une exception de procédure mettant fin à l'instance peuvent être frappés de pourvoi (CPC. art. L. 606, L. 6071).
- Personnes auteurs du pourvoi : Toute partie qui y a intérêt (art. 609 CPC), ayant capacité à agir.
- Moyens de cassation (cas d'ouverture) : Le pourvoi doit se fonder sur une critique de l'application du droit. Les principaux cas d'ouverture sont :
- Violation de la loi (fausse qualification, fausse application, refus d'application, fausse interprétation).
- Incompétence ou excès de pouvoir.
- Violation des formes de procédure (réduit par la possibilité de rectification des erreurs matérielles, art. 616 CPC).
- Contrariété de jugements (deux décisions inconciliables, art. 648 CPC ; ou lorsque la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée a été vainement opposée, art. 617 CPC).
- Perte de fondement juridique (si la base légale d'un arrêt disparaît).
- Défaut de motifs ou défaut de base légale (motifs imprécis ou incomplets ne permettant pas à la Cour de vérifier la légalité).
- Dénaturation (modification par le juge du fond des stipulations claires et précises d'un contrat, assimilée à une violation de l'article 1134 du Code civil - ancien, aujourd'hui art. 1103 C. civ.).
- Recevabilité des moyens : Les moyens doivent être de droit, précis, exempts de nouveauté (non soulevés devant les juges du fond, sauf exceptions) et opérants.
- Procédure devant la Cour de cassation : Introduite par déclaration de pourvoi (CPC, art. 974). Représentation par avocat aux Conseils (Cour de cassation et Conseil d'État) généralement obligatoire. Dépôt d'un mémoire ampliatif exposant les moyens de cassation dans les quatre mois (CPC, art. 979). Procédure essentiellement écrite.
B. Les Effets du Pourvoi en Cassation
Le pourvoi en cassation ne suspend pas, en principe, l'exécution de la décision attaquée (sauf cas prévus par la loi). La chose jugée par la décision attaquée doit être respectée.
C. L'Arrêt de la Cour de Cassation
L'arrêt est prononcé publiquement (CPC. art. 1016). Il existe deux issues principales :
- Arrêts de rejet : Le pourvoi est déclaré non admis (moyens non sérieux), irrecevable, ou les moyens sont jugés non fondés. La décision attaquée devient irrévocable (CPC, art.500). L'auteur du pourvoi peut être condamné aux dépens, à une indemnité pour frais irrépétibles, voire à une amende civile en cas de recours abusif (CPC. art.628 et 629).
- Arrêts de cassation : La décision attaquée est annulée, totalement ou partiellement (dispositif limité à la portée du moyen). L'arrêt de cassation vise la règle de droit violée (CPC, art. 1020). La cassation replace les parties dans l'état où elles se trouvaient avant le jugement cassé et entraîne l'annulation par voie de conséquence de toute décision qui en est la suite (CPC. 625).
- Cassation avec renvoi : L'affaire est renvoyée devant une juridiction du fond de même nature (ou la même autrement composée) pour être rejugée (COJ, Art.L.431-4). Cette juridiction de renvoi n'est pas liée par la décision de la Cour, sauf si le renvoi est ordonné par l'Assemblée plénière après une seconde cassation (COJ, art.L.131-4).
- Cassation sans renvoi : Exceptionnel, lorsque la cassation n'implique pas qu'il soit à nouveau statué sur le fond, ou si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie en matière civile (COJ. art.L.411-3).
Section 2: La Tierce Opposition et le Recours en Révision
Ces deux voies extraordinaires permettent de contester une décision dans des circonstances particulières.
A. Le Recours en Révision
Le recours en révision tend à faire rétracter un jugement passé en force de chose jugée pour qu'il soit à nouveau statué en fait et en droit, en raison de la découverte d'une fraude ou d'une erreur déterminante (CPC. art. 593).
Conditions (art. 595 CPC) :
- La décision a été surprise par la fraude de la partie adverse.
- Des pièces décisives, retenues par l'autre partie, ont été recouvrées depuis le jugement.
- Il a été jugé sur des pièces reconnues ou déclarées fausses depuis le jugement.
- Il a été jugé sur des attestations, témoignages ou serments judiciairement déclarés faux depuis le jugement.
L'erreur de fait doit être déterminante et découverte postérieurement au jugement. Le délai est de deux mois à compter de la connaissance de la cause de révision (CPC. art. 596). Le recours est porté devant le juge qui a rendu la décision contestée. Toutes les parties au jugement initial doivent être appelées à l'instance en révision.
Conséquences : Si le recours est recevable et fondé, le jugement vicié est rétracté et une nouvelle décision est substituée (CPC, art 601). La révision peut être partielle (CPC. art. 602). N'a pas d'effet suspensif mais a un effet dévolutif.
B. La Tierce Opposition
La tierce opposition permet à un tiers, qui n'a été ni partie ni représenté au jugement, de faire rétracter ou réformer ce jugement sur les points qui lui sont préjudiciables (art. 582 CPC). Elle remet en question, relativement à son auteur, les points jugés pour qu'il soit à nouveau statué en fait et en droit.
Conditions (art. 583 CPC) :
- L'auteur doit être un tiers (ni partie, ni représenté au jugement attaqué). Les créanciers et ayants cause d'une partie peuvent former tierce opposition en cas de fraude à leurs droits ou s'ils invoquent des moyens propres.
- Justifier d'un intérêt à agir (préjudice résultant de la décision).
- Le délai est en principe de trente ans à compter du jugement, sauf si la loi en dispose autrement. Si la décision a été notifiée au tiers, le délai est de deux mois (CPC, art 586).
La tierce opposition est portée devant la juridiction qui a rendu le jugement attaqué (CPC, art. 587). Elle est formée comme une demande introductive d'instance.
Conséquences : Le juge peut suspendre l'exécution du jugement attaqué (CPC, art 590). Si la tierce opposition est fondée, le jugement est rétracté ou réformé uniquement sur les chefs préjudiciables au tiers opposant. Le jugement primitif conserve ses effets entre les parties initiales, même sur les chefs annulés à l'égard du tiers (CPC, art 591). Le jugement rendu sur tierce opposition est susceptible des mêmes recours que les décisions de la juridiction dont il émane (CPC. art. 592).
Points d'Attention pour les Voies de Recours
- **Délais :** Le respect strict des délais est impératif sous peine d'irrecevabilité.
- **Intérêt à agir :** Condition sine qua non pour tous les recours. Le jugement doit causer un grief.
- **Effet suspensif vs. dévolutif :** Bien comprendre la portée de chaque recours sur l'exécution de la décision et l'étendue du réexamen.
- **Représentation :** La représentation par avocat est souvent obligatoire, notamment en appel et devant la Cour de cassation.