Procédure Civile – Partie 5: Exécution des Décisions & Mesures Conservatoires

L'aboutissement de la procédure : comment les décisions de justice prennent effet, les mécanismes d'exécution forcée et les moyens de préserver les droits des créanciers.

Chapitre 1: Les Modalités de l'Exécution Forcée

Conditions, personnes impliquées et principes régissant l'exécution des décisions.

Chapitre 2: Les Procédures d'Exécution

Saisies mobilières (créances, biens corporels, droits incorporels) et saisies immobilières.

Chapitre 3: Les Procédures Conservatoires

Saisies conservatoires et sûretés judiciaires pour préserver le gage des créanciers.

Introduction à l'Exécution des Décisions de Justice

Concrétisation du Droit :

L'exécution des décisions de justice, régie par le Code des procédures civiles d'exécution (CPCE), désigne l'ensemble des procédés légaux permettant à un créancier d'obtenir l'accomplissement d'une obligation par son débiteur, en l'absence d'exécution volontaire. Ces procédures relèvent de l'imperium, le pouvoir de commandement de l'État, et peuvent impliquer des mesures coercitives.

Le CPCE, issu notamment de l'ordonnance n° 2011-1895 du 19 décembre 2011, vise à structurer les mesures de contrainte pour recouvrer une créance ou reprendre un bien. Ses dispositions sont d'ordre public, interdisant aux parties d'y déroger par convention, afin de protéger le débiteur et l'égalité des créanciers.

Chapitre 1: Les Modalités de l'Exécution Forcée

L'exécution forcée est une démarche souvent contrainte pour le créancier face à un débiteur défaillant.

Section 1: Les Conditions de l'Exécution Forcée

Avant de recourir à l'exécution forcée, il faut noter que le débiteur peut parfois obtenir des délais de paiement du juge (conformément à l'article 1345-5 du Code civil, jusqu'à deux ans), déposer un dossier de surendettement (selon le Code de la consommation, art. L.711-1 et s.), ou être soumis à une procédure collective (Livre VI du Code de commerce), ce qui suspendrait les poursuites.

A. Le Créancier Détenteur d'un Titre Exécutoire contre un Débiteur

Fondement de l'Exécution :

Tout créancier peut contraindre son débiteur défaillant à exécuter ses obligations (article L.111-1 CPCE). Pour cela, il doit être muni d'un **titre exécutoire** constatant une créance **liquide** (montant déterminé ou déterminable) et **exigible** (arrivée à échéance) (article L.111-2 CPCE). L'exécution forcée peut alors être poursuivie sur les biens du débiteur.

Les biens du débiteur constituent le gage commun de ses créanciers (article 2285 du Code civil). Le créancier choisit les mesures d'exécution, qui ne doivent pas excéder ce qui est nécessaire pour obtenir paiement (article L.111-7 CPCE).

L'article L.111-3 du CPCE énumère les titres exécutoires, parmi lesquels figurent principalement :

  • Les décisions des juridictions de l'ordre judiciaire ou administratif lorsqu'elles ont force exécutoire.
  • Les actes et jugements étrangers ainsi que les sentences arbitrales déclarés exécutoires.
  • Les extraits de procès-verbaux de conciliation signés par le juge et les parties.
  • Les actes notariés revêtus de la formule exécutoire.
  • Le titre délivré par l'huissier de justice en cas de non-paiement d'un chèque.
  • Les titres délivrés par les personnes morales de droit public qualifiés comme tels par la loi, ou les décisions auxquelles la loi attache les effets d'un jugement.

Une procédure simplifiée permet à un huissier de délivrer un titre exécutoire pour les créances inférieures à 5 000 euros (issue de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, codifiée notamment à l'article L.125-1 du CPCE). L'exécution des titres exécutoires ne peut être poursuivie que pendant dix ans, sauf si les actions en recouvrement des créances qui y sont constatées se prescrivent par un délai plus long (article L.111-4 CPCE).

B. Les Biens Saisissables

Patrimoine du Débiteur :

Les saisies peuvent porter sur tous les biens appartenant au débiteur, même détenus par des tiers, y compris les créances conditionnelles, à terme ou à exécution successive (article L.112-1 et L.112-2 CPCE).

Biens insaisissables (article L.112-2 CPCE et R.112-2 à R.112-5 CPCE) :

  • Biens que la loi déclare insaisissables (ex: certains biens nécessaires à la vie courante et au travail du saisi et de sa famille, listés par l'article R.112-2 CPCE).
  • Provisions, sommes et pensions à caractère alimentaire (sauf pour le paiement des aliments dus par le saisi).
  • Biens mobiliers nécessaires à la vie et au travail du saisi et de sa famille, dans les limites fixées par décret, sauf pour le paiement de leur prix.
  • Objets indispensables aux personnes handicapées ou destinés aux soins des malades.

Les immeubles par destination ne peuvent être saisis indépendamment de l'immeuble principal (article L.112-3 CPCE). La résidence principale de l'entrepreneur individuel est de droit insaisissable par les créanciers dont les droits naissent à l'occasion de l'activité professionnelle de l'entrepreneur (article L.526-1 et s. du Code de commerce).

Chapitre 2: Les Procédures d'Exécution

Le CPCE distingue les procédures d'exécution mobilière et immobilière, visant un équilibre entre l'efficacité pour le créancier et la protection du débiteur.

Section 1: Les Procédures d'Exécution Mobilière

A. La Saisie des Créances de Sommes d'Argent

Saisie-attribution et Saisie des Rémunérations :

Un créancier muni d'un titre exécutoire peut saisir entre les mains d'un tiers les créances de son débiteur portant sur une somme d'argent (article L.211-1 CPCE).

1. La Saisie-attribution des Créances : Elle a pour objectif l'attribution immédiate au créancier saisissant de la somme d'argent disponible appartenant au débiteur dans le patrimoine d'un tiers (souvent une banque). Le tiers saisi doit déclarer l'étendue de ses obligations envers le débiteur (article L.211-3 CPCE). L'acte de saisie, signifié au tiers par huissier, doit contenir des mentions obligatoires à peine de nullité (énonciation du titre, décompte des sommes, défense au tiers de disposer des sommes). La saisie doit être dénoncée au débiteur dans les 8 jours, qui dispose d'un mois pour la contester devant le JEX.

Certaines créances sont insaisissables (RSA, prestations maladie) ou partiellement saisissables (solde bancaire insaisissable - SBI, d'un montant équivalent au RSA pour une personne seule, article L.162-2 CPCE).

2. La Saisie des Rémunérations : Régie par le Code du travail (articles L.3252-1 et s.), elle permet au créancier de prélever directement à la source, auprès de l'employeur, la fraction saisissable du salaire du débiteur. La procédure relève de la compétence du juge du tribunal judiciaire (anciennement tribunal d'instance) et commence par une tentative de conciliation.

B. La Saisie de Biens Corporels

De la Saisie-Vente aux Saisies Spécifiques :

1. La Saisie-Vente : Après signification d'un commandement de payer resté infructueux, le créancier peut faire saisir et vendre les biens meubles corporels de son débiteur (article L.221-1 CPCE). L'huissier dresse un procès-verbal de saisie (inventaire, biens indisponibles sous la garde du débiteur). La vente forcée a lieu aux enchères publiques après un délai d'un mois, pendant lequel le débiteur peut tenter une vente amiable (article L.221-3 CPCE). Les contestations relèvent du JEX.

2. Autres Saisies de Biens Corporels :

  • Saisie-appréhension (article L.222-1 CPCE) : Permet au créancier d'une obligation de livraison ou de restitution d'un meuble corporel de l'appréhender.
  • Saisie des véhicules terrestres à moteur (article L.223-1 et s. CPCE) : Par déclaration en préfecture ou par immobilisation.
  • Saisie-revendication (article L.222-2 CPCE) : Mesure conservatoire pour rendre indisponible un bien meuble en attendant une saisie-appréhension.

C. La Saisie de Droits Incorporels

Valeurs Mobilières, Parts Sociales, etc. :

Un créancier muni d'un titre exécutoire peut saisir et vendre les droits incorporels (autres que créances de sommes d'argent) dont son débiteur est titulaire (article L.231-1 CPCE). Cela inclut les valeurs mobilières, droits d'associés, parts sociales, mais aussi clientèles, droits d'auteur patrimoniaux, brevets, marques, licences (taxi, débit de boissons).

La procédure spécifique de saisie des valeurs mobilières et droits d'associés (articles R.232-1 et s. CPCE) est souvent transposée aux autres droits incorporels.

Distribution des Deniers : Après la vente des biens, s'il n'y a qu'un créancier, le produit lui est remis jusqu'à concurrence de sa créance. S'il y en a plusieurs, un projet de répartition est élaboré et, à défaut de contestation, devient définitif, permettant le paiement des créanciers selon leur rang (articles R.251-1 et s. CPCE).

Chapitre 3: Les Procédures Conservatoires

Les mesures conservatoires visent à préserver le gage commun des créanciers en figeant une partie des actifs du débiteur, pour éviter qu'il n'organise son insolvabilité. L'article L.511-1, alinéa 2, du CPCE distingue la saisie conservatoire et la sûreté judiciaire.

Section 1: Les Saisies Conservatoires

Geler les Actifs Mobiliers :

La saisie conservatoire peut porter sur tous les biens mobiliers, corporels ou incorporels, du débiteur et les rend indisponibles (article L.521-1 CPCE). Elle nécessite une autorisation du juge de l'exécution (ou parfois, le créancier peut s'en dispenser s'il dispose d'un titre exécutoire même non définitif, d'une lettre de change acceptée, etc.). L'acte de saisie est réalisé par huissier. Dans le mois de la saisie, le créancier doit engager une procédure pour obtenir un titre exécutoire définitif sur le fond. Une fois ce titre obtenu, la saisie conservatoire peut être convertie en saisie-vente ou saisie-attribution.

Section 2: Les Sûretés Judiciaires

Garantir une Créance :

Les sûretés judiciaires (articles L.531-1 et s. CPCE) permettent à un créancier, avec autorisation du juge (sauf s'il dispose déjà d'un titre exécutoire), de prendre une garantie sur les immeubles, fonds de commerce, actions, parts sociales ou valeurs mobilières de son débiteur. Cette inscription (hypothèque judiciaire provisoire sur un immeuble, nantissement sur un fonds de commerce ou des parts sociales) est publiée pour être opposable aux tiers et confère un droit de préférence au créancier. Une fois le titre exécutoire définitif obtenu, la sûreté provisoire peut être convertie en sûreté définitive.

Conclusion Générale du Cours de Procédure Civile et Voies d'Exécution

La procédure civile et les procédures civiles d'exécution sont des matières en constante évolution. Les réformes législatives et réglementaires se succèdent, et la jurisprudence, notamment celle de la Cour de cassation, joue un rôle crucial en veillant au respect des droits de la défense, des principes directeurs du procès, et à la protection du débiteur dans le cadre des voies d'exécution.

Ces modifications et mutations témoignent de la richesse de ces disciplines et de leur nécessaire adaptation aux évolutions de la société, y compris aux nouvelles technologies et au numérique.

Le droit processuel est un équilibre permanent entre la recherche de simplification et d'efficacité des procédures, et la nécessité de garantir les libertés fondamentales des justiciables. Sa maîtrise est indispensable pour tout praticien du droit.