Procédure Pénale

Cette seconde partie est consacrée à la Procédure Pénale. Elle régit l'ensemble des étapes allant de la constatation d'une infraction jusqu'à l'exécution d'une décision de justice définitive. La procédure pénale doit concilier la nécessité de réprimer les atteintes à l'ordre social et la protection des libertés individuelles. L'article préliminaire du Code de procédure pénale énonce les principes directeurs : équité, contradictoire, équilibre des droits des parties, séparation des autorités de poursuite et de jugement, présomption d'innocence, droits de la défense et droits des victimes.

TITRE 1: LES PRINCIPES FONDAMENTAUX DU PROCÈS PÉNAL

L'article préliminaire du Code de procédure pénale établit les fondations du procès pénal français, en affirmant notamment le droit à un procès équitable, le respect de la présomption d'innocence et les droits de la défense.

Chapitre 1: Le Principe de la Présomption d'Innocence

Définition: Toute personne suspectée ou poursuivie est présumée innocente tant que sa culpabilité n’a pas été légalement établie par une décision de justice définitive. Ce principe implique que le doute profite à l'accusé (in dubio pro reo) et que la charge de la preuve incombe à l'accusation.

Les sources du principe
  • Droit interne:
    • Art. 9 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789: « Tout homme étant présumé innocent jusqu’à ce qu’il ait été déclaré coupable... »
    • Art. préliminaire, III, al. 1 du Code de procédure pénale: « Toute personne suspectée ou poursuivie est présumée innocente tant que sa culpabilité n'a pas été établie. Les atteintes à sa présomption d'innocence sont prévenues, réparées et réprimées dans les conditions prévues par la loi. »
    • Art. 9-1 du Code civil: Ouvre droit à une action civile en réparation en cas d'atteinte à la présomption d'innocence (présentation publique comme coupable avant condamnation).
  • Sources internationales:
    • Art. 6 § 2 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme (CEDH): « Toute personne accusée d’une infraction est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie. »
    • Art. 11 § 1 de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme.
    • Art. 14 § 2 du Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques (PIDCP).
La portée du principe
  • Charge de la preuve: Incombe à la partie poursuivante (ministère public ou partie civile). Ce n'est pas à la personne suspectée de prouver son innocence.
  • Doute et culpabilité: Le doute doit profiter à la personne poursuivie. Une condamnation ne peut être prononcée que si la culpabilité est établie au-delà de tout doute raisonnable.
  • Traitement de la personne suspectée: Doit être traitée comme innocente durant toute la procédure. Les mesures de contrainte (détention provisoire, contrôle judiciaire) doivent être exceptionnelles, nécessaires et proportionnées.
  • Protection contre les présentations publiques prématurées comme coupable: Le secret de l'enquête et de l'instruction (Art. 11 CPP) contribue à protéger ce principe.

Exemple Concret (Jurisprudence CEDH): L'affaire Minelli c. Suisse (1983) où la CEDH a jugé qu'une décision de classement sans suite pour prescription, tout en constatant des soupçons persistants, portait atteinte à la présomption d'innocence car elle laissait entendre une culpabilité sans jugement.

Erreurs fréquentes des étudiants:
  • Confondre la présomption d'innocence avec une interdiction de suspecter ou d'enquêter.
  • Penser que la mise en examen ou le renvoi devant une juridiction de jugement équivaut à une déclaration de culpabilité.
  • Sous-estimer l'impact de ce principe sur la charge de la preuve et l'administration des mesures coercitives.

Articulation avec d'autres concepts: Ce principe est intimement lié aux droits de la défense, au droit à un procès équitable, à la charge de la preuve, et aux règles encadrant la détention provisoire et les autres mesures de contrainte.

Chapitre 2: La Preuve Pénale

Définition: La preuve pénale vise à établir la réalité de l'infraction et la culpabilité de son auteur. Elle est gouvernée par le principe de la liberté de la preuve et le principe de la loyauté de la preuve.

Principes directeurs
  • Liberté de la preuve (Art. 427 CPP pour le jugement): « Hors les cas où la loi en dispose autrement, les infractions peuvent être établies par tout mode de preuve et le juge décide d'après son intime conviction. » Ce principe s'applique aussi à l'enquête et à l'instruction.

    Limites: La preuve ne doit pas être obtenue de manière illégale ou déloyale.

  • Loyauté de la preuve: Les autorités publiques ne doivent pas recourir à des stratagèmes, provocations ou manœuvres déloyales pour obtenir des preuves.

    Exemple (Jurisprudence): Un enregistrement audio ou vidéo réalisé à l'insu d'une personne par une autorité publique est généralement considéré comme déloyal et irrecevable (Crim. 7 janv. 2014, affaire Bettencourt). En revanche, une preuve apportée par un particulier, même obtenue de manière déloyale (hors violation d'une infraction pénale pour l'obtenir), peut être admise si elle est débattue contradictoirement.

  • Charge de la preuve: Repose sur la partie poursuivante (Ministère Public, partie civile), en vertu de la présomption d'innocence.
  • Intime conviction du juge: Le juge apprécie souverainement la valeur probante des éléments qui lui sont soumis, mais sa décision doit être motivée.
Les modes de preuve
  • L'aveu: Déclaration par laquelle une personne reconnaît être l'auteur de l'infraction. Il est divisible et révocable. Il ne lie pas le juge et doit être corroboré par d'autres éléments.
  • Le témoignage: Déclaration faite sous serment (sauf exceptions) par une personne ayant eu connaissance de faits relatifs à l'infraction.
  • Les écrits: Procès-verbaux (des OPJ, APJ), rapports d'expertise, documents divers. La force probante des PV varie (simple renseignement, foi jusqu'à preuve contraire, foi jusqu'à inscription de faux).
  • Les indices matériels: Objets, traces, empreintes, etc., recueillis sur les lieux ou sur la personne.
  • L'expertise: Mesure d'instruction confiée à un technicien pour éclairer le juge sur une question technique (expertise médicale, balistique, psychiatrique, financière, etc.).
Erreurs fréquentes:
  • Considérer l'aveu comme la "reine des preuves" ayant une valeur absolue.
  • Confondre liberté de la preuve et recevabilité de n'importe quelle preuve, même obtenue illégalement par les autorités.
  • Méconnaître la différence de force probante entre les divers types de procès-verbaux.

Articulation: La preuve est au cœur du procès pénal. Elle est indissociable de la présomption d'innocence, des droits de la défense (droit de contester les preuves, de demander des contre-expertises) et du principe du contradictoire.

Schéma: La recherche de la preuve et ses limites

graph LR A[Principe: Liberté de la Preuve Art. 427 CPP] --> B{Modes de Preuve}; B --> C[Aveu]; B --> D[Témoignage]; B --> E[Écrits PV Expertise]; B --> F[Indices Matériels]; A --> G[Limite 1: Légalité de la Preuve]; A --> H[Limite 2: Loyauté de la Preuve]; I[Charge de la Preuve: Accusation] --> J[Appréciation: Intime Conviction du Juge]; G -.-> K[Irrecevabilité]; H -.-> K;

Chapitre 3: Le Principe Ne Bis In Idem (Autorité de la Chose Jugée au Pénal)

Définition: Nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement une seconde fois pour les mêmes faits (eadem res) par les juridictions du même État, après avoir été définitivement acquitté ou condamné. Ce principe est une manifestation de l'autorité de la chose jugée en matière pénale.

Les sources du principe
  • Droit interne:
    • Art. 6 du Code de procédure pénale: L'action publique s'éteint par la chose jugée.
    • Jurisprudence constante de la Cour de cassation.
  • Sources internationales:
    • Art. 4 du Protocole n°7 à la CEDH: « Nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement par les juridictions du même État en raison d'une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné par un jugement définitif... »
    • Art. 14 § 7 du PIDCP.
    • Art. 50 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne.
    • Art. 54 de la Convention d'Application de l'Accord de Schengen (CAAS) pour l'aspect transnational au sein de l'espace Schengen.
Conditions d'application (Triple identité)

Traditionnellement, la règle ne bis in idem exige une triple identité :

  1. Identité de faits (eadem res): Les faits matériels objets des secondes poursuites doivent être identiques ou substantiellement les mêmes que ceux ayant fait l'objet du premier jugement. La qualification juridique des faits est en principe indifférente (conception matérielle des faits retenue par la CEDH, arrêt Zolotoukhine c. Russie, 2009).

    Exemple: Une personne acquittée pour vol ne peut être poursuivie ensuite pour escroquerie si les faits matériels sous-jacents sont exactement les mêmes.

  2. Identité de personne (eadem persona): La personne poursuivie doit être la même dans les deux procédures. La relaxe de l'auteur principal n'interdit pas la poursuite d'un complice.
  3. Identité de cause juridique (eadem causa petendi) - Notion plus discutée et absorbée par l'identité des faits en matière pénale: La nature "pénale" de la première sanction est déterminante.

Il faut également une décision définitive (insusceptible de recours ordinaires) sur le fond de l'affaire (condamnation ou acquittement).

Portée et exceptions
  • Interdiction de nouvelles poursuites et de double sanction.
  • Exceptions:
    • Réouverture du procès en cas de faits nouveaux ou nouvellement révélés, ou de vice fondamental dans la procédure précédente, de nature à affecter le jugement (prévu par l'art. 4 Prot. 7 CEDH et encadré en droit interne par la procédure de révision et de réexamen).
    • Cumul de sanctions de nature différente (ex: sanction pénale et sanction disciplinaire pour les mêmes faits, si la sanction disciplinaire n'est pas assimilable à une sanction pénale au sens de la CEDH). La Cour européenne (arrêt Grande Stevens c. Italie, 2014) et le Conseil constitutionnel (QPC, cumul de poursuites pénales et administratives pour manquements boursiers) ont précisé les conditions strictes d'un tel cumul.
  • Autorité de la chose jugée d'une décision étrangère (Art. 113-9 CP et 692 CPP):
    • En principe, une décision étrangère définitive peut faire obstacle à des poursuites en France pour les mêmes faits commis à l'étranger, si la compétence française est fondée sur la personnalité active ou passive.
    • Pas d'obstacle si la compétence française est fondée sur la territorialité (faits commis en partie en France) ou la compétence réelle (atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation).
Erreurs fréquentes:
  • Appliquer la règle si la première décision n'était pas définitive ou ne portait pas sur le fond.
  • Confondre l'identité des faits avec l'identité de qualification juridique (la tendance est à la primauté des faits matériels).
  • Oublier les conditions strictes pour le cumul de sanctions de nature différente.

Articulation: Ce principe garantit la sécurité juridique et protège les individus contre l'acharnement judiciaire. Il est lié à l'autorité de la chose jugée et à l'épuisement de l'action publique.

TITRE 2: LES ORGANES DU PROCÈS PÉNAL

La mise en œuvre de la procédure pénale repose sur l'intervention de différents organes aux rôles distincts et complémentaires : la police judiciaire pour la constatation des infractions et la recherche des preuves, le ministère public pour l'exercice de l'action publique, les juridictions d'instruction pour la conduite des informations judiciaires, et les juridictions de jugement pour statuer sur la culpabilité.

Chapitre 1: La Police Judiciaire (PJ)

Définition (Art. 14 CPP): La police judiciaire est chargée de constater les infractions à la loi pénale, d'en rassembler les preuves et d'en rechercher les auteurs tant qu'une information n'est pas ouverte. Lorsqu'une information est ouverte, elle exécute les délégations des juridictions d'instruction et défère à leurs réquisitions.

Elle est placée sous la direction du procureur de la République (Art. 12 CPP) et sous le contrôle de la chambre de l'instruction (Art. 224 et s. CPP).

Section 1: Les organes de la police judiciaire

La PJ est composée de personnels aux statuts et pouvoirs variés :

  • Officiers de Police Judiciaire (OPJ - Art. 16 CPP): Compétence générale. Ce sont notamment les maires et leurs adjoints, les officiers et gradés de la gendarmerie, les inspecteurs généraux, directeurs et sous-directeurs de la police nationale, les commissaires de police, les officiers de police, etc., affectés à des fonctions de PJ. Ils dirigent les enquêtes et disposent des pouvoirs les plus étendus (ex: placement en garde à vue).
  • Agents de Police Judiciaire (APJ - Art. 20 CPP): Compétences plus limitées, agissent sous le contrôle des OPJ. Ce sont les gendarmes n'ayant pas la qualité d'OPJ, les fonctionnaires des services actifs de la police nationale non OPJ. Ils secondent les OPJ, constatent les infractions, recueillent renseignements et preuves, peuvent procéder à des auditions (sauf gardés à vue).
  • Agents de Police Judiciaire Adjoints (APJA - Art. 21 CPP): Pouvoirs encore plus restreints. Ce sont les policiers municipaux, les gardes champêtres. Ils constatent certaines infractions, secondent les APJ et OPJ, rendent compte de crimes/délits dont ils ont connaissance.
  • Fonctionnaires et agents chargés de certaines fonctions de police judiciaire (Art. 22 à 29 CPP): Agents des douanes, des impôts, de l'inspection du travail, etc., ayant des pouvoirs spécifiques pour constater les infractions relevant de leur domaine de compétence.

Hiérarchie fonctionnelle de la Police Judiciaire

graph TD PR[Procureur de la République Dirige l'activité de la PJ] --> OPJ; JI[Juge d'Instruction Délègue des pouvoirs à la PJ]; CI[Chambre de l'Instruction Contrôle l'activité des OPJ]; OPJ[Officiers de Police Judiciaire Art. 16 CPP]; OPJ --> APJ[Agents de Police Judiciaire Art. 20 CPP]; APJ --> APJA[Agents de Police Judiciaire Adjoints Art. 21 CPP]; FS[Fonctionnaires Spécialisés Art. 22-29 CPP] -->|Pour infractions spécifiques| OPJ; JI --> OPJ; CI --> OPJ;

Section 2: Les pouvoirs de la police judiciaire

Les pouvoirs de la PJ varient considérablement selon le cadre juridique de l'enquête.

L'enquête de flagrance (Art. 53 à 74 CPP)

Définition (Art. 53 CPP): Concerne le crime ou délit qui se commet actuellement ou qui vient de se commettre. S'étend aussi au cas où la personne est poursuivie par la clameur publique, ou trouvée en possession d'objets, ou présente des traces/indices laissant penser sa participation récente. Elle permet des pouvoirs coercitifs importants en raison de l'urgence et de la nécessité de préserver les preuves.

  • Conditions: Indices apparents d'un comportement délictueux révélant une infraction flagrante.
  • Durée: 8 jours maximum, prolongeable une fois pour 8 jours par le procureur pour les infractions punies d'au moins 5 ans d'emprisonnement.
  • Pouvoirs spécifiques des OPJ (étendus):
    • Transport sur les lieux, constatations, préservation des indices (Art. 54 CPP).
    • Interdiction à toute personne de s'éloigner des lieux (Art. 61 al. 2 CPP).
    • Perquisitions, visites domiciliaires et saisies sans assentiment de la personne chez qui l'opération a lieu (Art. 56 CPP), y compris en dehors des heures légales (6h-21h) pour certaines infractions (criminalité organisée, terrorisme) ou si commencé avant 21h et poursuivi sans désemparer. Présence de la personne ou de deux témoins requis.
    • Auditions de témoins (Art. 62 CPP), possibilité de les contraindre à comparaître.
    • Placement en garde à vue (Art. 62-2 et s. CPP).
    • Réquisitions à personne qualifiée (Art. 60 CPP).
L'enquête préliminaire (Art. 75 à 78 CPP)

Définition: Cadre d'enquête de droit commun, applicable lorsque les conditions de la flagrance ne sont pas (ou plus) réunies. Moins coercitive, elle repose davantage sur le consentement des personnes ou l'autorisation d'un magistrat.

  • Ouverture: D'initiative par l'OPJ, ou sur instruction du procureur de la République.
  • Durée: Pas de délai légal strict, mais doit respecter un délai raisonnable. Le procureur contrôle sa durée.
  • Pouvoirs (plus limités, souvent soumis à assentiment ou autorisation):
    • Auditions: possibles, mais la contrainte à comparaître est plus encadrée.
    • Perquisitions, visites domiciliaires et saisies: Nécessitent l'assentiment exprès et écrit de la personne chez qui l'opération a lieu (Art. 76 CPP). Sans assentiment, elles ne peuvent être faites que sur décision écrite et motivée du Juge des Libertés et de la Détention (JLD), saisi par le procureur.
    • Garde à vue: Possible dans les mêmes conditions que pour la flagrance.
    • Réquisitions: Possibles.

Passage de l'enquête préliminaire à l'enquête de flagrance: Si, au cours d'une enquête préliminaire, des indices apparents d'une infraction flagrante sont découverts, les OPJ peuvent basculer dans le cadre de la flagrance et exercer les pouvoirs coercitifs associés.

Erreurs fréquentes:
  • Confondre les pouvoirs respectifs des OPJ, APJ et APJA.
  • Mal distinguer les conditions et les pouvoirs spécifiques à l'enquête de flagrance et à l'enquête préliminaire (notamment pour les perquisitions).
  • Oublier le rôle de direction du procureur de la République sur la PJ.

Chapitre 2: Les Juridictions Répressives

Les juridictions répressives sont chargées de juger les personnes poursuivies pour des infractions pénales. On distingue les juridictions de droit commun et les juridictions spécialisées.

Section 1: Les juridictions répressives de droit commun

  • Tribunal de police: Compétent pour juger les contraventions des 5 classes (Art. 521 CPP). Statue à juge unique.
  • Tribunal correctionnel: Compétent pour juger les délits (Art. 381 CPP). Formation collégiale (un président et deux assesseurs) ou à juge unique dans certains cas prévus par la loi.
  • Cour d'assises: Compétente pour juger les crimes (Art. 231 CPP). Composée de trois magistrats professionnels (un président et deux assesseurs) et d'un jury populaire de six citoyens (neuf en appel).

    Note: La loi du 22 décembre 2021 a institué à titre expérimental les "cours criminelles départementales", composées uniquement de magistrats professionnels (5), pour juger certains crimes punis de 15 ou 20 ans de réclusion criminelle, lorsque l'accusé n'est pas en état de récidive légale. Cette expérimentation a été généralisée.

Les juridictions de second degré:
  • Cour d'appel (Chambre des appels correctionnels, Chambre de l'application des peines): Rejuge en fait et en droit les décisions des tribunaux de police (pour les contraventions les plus graves) et des tribunaux correctionnels.
  • Cour d'assises d'appel: Rejuge les affaires criminelles après un premier jugement de cour d'assises. Composée de trois magistrats et de neuf jurés.
La Cour de cassation (Chambre criminelle):

Juge du droit, elle ne réexamine pas les faits. Elle vérifie la correcte application de la loi par les juridictions du fond. Elle peut casser une décision et renvoyer l'affaire devant une autre juridiction de même nature, ou casser sans renvoi.

Section 2: Les juridictions répressives spécialisées

Certaines infractions ou certaines catégories de justiciables relèvent de juridictions spécialisées.

  • Juridictions pénales des mineurs:
    • Juge des enfants: Compétent pour les contraventions de 5ème classe et les délits commis par les mineurs. Peut prononcer des mesures éducatives, et des peines sous conditions.
    • Tribunal pour enfants: Compétent pour les mêmes infractions que le juge des enfants, et pour les crimes commis par les mineurs de moins de 16 ans. Composé du juge des enfants (président) et de deux assesseurs non professionnels.
    • Cour d'assises des mineurs: Compétente pour les crimes commis par les mineurs âgés de 16 à 18 ans. Composition similaire à la cour d'assises, mais les assesseurs magistrats sont souvent des juges des enfants. Publicité des débats restreinte.
    • Ordonnance du 2 février 1945 et Code de la justice pénale des mineurs (entré en vigueur en 2021): Primauté de l'éducatif sur le répressif, spécialisation des acteurs, procédure adaptée.

  • Juridictions compétentes pour les infractions politiques:
    • Haute Cour (Art. 68 Constitution): Compétente pour juger le Président de la République en cas de manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l'exercice de son mandat (destitution). Pas une juridiction pénale au sens strict.
    • Cour de Justice de la République (CJR - Art. 68-1 Constitution): Compétente pour juger les membres du Gouvernement pour les crimes et délits commis dans l'exercice de leurs fonctions.
  • Juridictions compétentes en matière militaire: En temps de paix, les infractions militaires ou commises par des militaires dans l'exercice du service relèvent de juridictions de droit commun spécialement désignées ou composées (ex: Tribunal judiciaire de Paris a une compétence étendue pour certaines affaires militaires). En temps de guerre, des tribunaux des forces armées peuvent être constitués.
  • Autres juridictions spécialisées: Juridictions interrégionales spécialisées (JIRS) en matière de criminalité organisée et de délinquance financière complexe, Pôle national financier, Pôle spécialisé en matière d'atteintes à l'environnement, etc.
Erreurs fréquentes:
  • Confondre la compétence d'attribution (type d'infraction) et la compétence territoriale.
  • Méconnaître la composition exacte des différentes juridictions (notamment la cour d'assises).
  • Oublier le principe de primauté de l'éducatif pour les mineurs.

TITRE 3: LE DÉROULEMENT DU PROCÈS PÉNAL

Le procès pénal se déroule en plusieurs phases distinctes, depuis la mise en mouvement de l'action publique jusqu'au jugement définitif, en passant éventuellement par une phase d'instruction.

Chapitre 1: La Poursuite (L'Action Publique)

Définition de l'action publique: Action exercée au nom de la société en vue de réprimer une infraction, d'en faire constater l'existence, d'en déterminer l'auteur et de faire appliquer la loi pénale (prononcé d'une peine). Elle est distincte de l'action civile qui vise la réparation du préjudice subi par la victime.

Les titulaires de l'action publique
  • Le Ministère Public (Parquet): Principal titulaire. Les magistrats du parquet (procureur de la République, procureurs généraux, substituts) représentent les intérêts de la société. Ils reçoivent les plaintes et dénonciations, dirigent l'activité de la police judiciaire, et décident de l'opportunité des poursuites.

    Principe de l'opportunité des poursuites (Art. 40-1 CPP): Le procureur de la République apprécie librement la suite à donner aux affaires: classement sans suite, mise en œuvre de mesures alternatives aux poursuites (composition pénale, médiation), ou engagement des poursuites (saisine d'une juridiction d'instruction ou de jugement).

  • La victime (par voie d'action): Peut mettre en mouvement l'action publique par une plainte avec constitution de partie civile devant le juge d'instruction (Art. 85 CPP) ou par une citation directe devant la juridiction de jugement (pour les contraventions et délits - Art. 388, 531 CPP), notamment en cas d'inertie du parquet.
  • Certaines administrations: Dans des cas spécifiques prévus par la loi (ex: administration des douanes pour les infractions douanières).
L'extinction de l'action publique (Art. 6 CPP)

L'action publique s'éteint par :

  • La mort du prévenu (personne physique) ou la dissolution (pour certains cas de personne morale avant le revirement de 2020).
  • La prescription (délais varient selon la nature de l'infraction - cf. supra).
  • L'amnistie.
  • L'abrogation de la loi pénale.
  • La chose jugée (ne bis in idem).
  • La transaction lorsque la loi la prévoit (ex: composition pénale).
  • Le retrait de la plainte lorsque celle-ci est une condition nécessaire des poursuites (rare, ex: certaines infractions commises au sein de la famille).
Erreurs fréquentes:
  • Confondre action publique et action civile.
  • Penser que le procureur est obligé de poursuivre toutes les infractions portées à sa connaissance (méconnaissance du principe d'opportunité).
  • Oublier que la victime peut, sous conditions, déclencher l'action publique.
  • Mal connaître les causes d'extinction de l'action publique.

Chapitre 2: L'Instruction Préparatoire (ou Information Judiciaire)

Définition: Phase facultative (sauf en matière criminelle où elle est obligatoire - Art. 79 CPP) de la procédure pénale, conduite par un juge d'instruction. Elle a pour but de rassembler les preuves, d'entendre les personnes impliquées, et de décider s'il existe des charges suffisantes pour renvoyer une personne devant une juridiction de jugement.

Le juge d'instruction instruit "à charge et à décharge" (Art. 81 CPP), c'est-à-dire qu'il doit rechercher tous les éléments, qu'ils soient favorables ou défavorables à la personne mise en examen.

Section 1: Le Juge d'Instruction

Magistrat du siège, indépendant, chargé de diriger l'information judiciaire. Il ne peut juger les affaires qu'il a instruites.

Saisine du juge d'instruction
  • Par un réquisitoire introductif du procureur de la République.
  • Par une plainte avec constitution de partie civile de la victime (Art. 85 CPP).

Le juge d'instruction est saisi in rem (sur des faits) et non in personam (contre une personne initialement désignée, bien que le réquisitoire puisse viser X ou une personne dénommée).

Les pouvoirs du juge d'instruction
  • Pouvoirs d'investigation:
    • Interrogatoires de la personne mise en examen, auditions des témoins et des parties civiles.
    • Transports sur les lieux, perquisitions, saisies.
    • Réquisitions, expertises.
    • Délivrance de commissions rogatoires (délégation de certains de ses pouvoirs à des OPJ).
    • Recours à des mesures coercitives: mandats (de recherche, de comparution, d'amener, d'arrêt - Art. 122 et s. CPP).
  • Pouvoirs juridictionnels:
    • Mise en examen (Art. 80-1 CPP): Décision de soumettre une personne aux investigations approfondies lorsqu'il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblable sa participation aux faits.
    • Placement sous le statut de témoin assisté (Art. 113-1 et s. CPP): Statut intermédiaire pour une personne impliquée mais contre laquelle les charges ne justifient pas une mise en examen.
    • Placement sous contrôle judiciaire (Art. 137 et s. CPP): Mesure alternative à la détention provisoire, soumettant la personne à diverses obligations. Décision du JLD sur saisine du JI.
    • Placement en détention provisoire (Art. 143-1 et s. CPP): Mesure exceptionnelle privative de liberté, ordonnée par le Juge des Libertés et de la Détention (JLD) sur saisine du juge d'instruction, si le contrôle judiciaire est insuffisant et pour des motifs précis (conserver les preuves, empêcher pression sur témoins/victimes, empêcher concertation frauduleuse, garantir maintien à disposition de la justice, mettre fin à l'infraction ou prévenir son renouvellement, protéger la personne mise en examen, ou pour les crimes, mettre fin à un trouble exceptionnel et persistant à l'ordre public).
Clôture de l'instruction

À l'issue de ses investigations, le juge d'instruction rend une ordonnance de règlement:

  • Ordonnance de non-lieu (Art. 177 CPP): S'il estime que les charges sont insuffisantes, que les faits ne constituent pas une infraction, ou que l'auteur est inconnu ou irresponsable.
  • Ordonnance de renvoi:
    • Devant le tribunal de police si les faits constituent une contravention (Art. 178 CPP).
    • Devant le tribunal correctionnel si les faits constituent un délit (Art. 179 CPP).
  • Ordonnance de mise en accusation devant la cour d'assises si les faits constituent un crime (Art. 181 CPP).

Section 2: La Chambre de l'Instruction

Formation collégiale de la cour d'appel, composée de trois magistrats. Elle a plusieurs rôles:

  • Juridiction d'appel des ordonnances du juge d'instruction: Appel possible par le mis en examen, la partie civile, le procureur de la République contre certaines décisions (ex: ordonnance de non-lieu, de renvoi, refus d'acte d'instruction).
  • Contrôle de la régularité de la procédure: Peut être saisie de requêtes en nullité d'actes d'instruction.
  • Contrôle du déroulement des instructions: Le président de la chambre surveille le bon fonctionnement des cabinets d'instruction, s'assure du respect des délais raisonnables, notamment pour la détention provisoire.
  • Pouvoir d'évocation: Peut décider d'instruire elle-même tout ou partie de l'affaire.
  • Contentieux de la détention provisoire: Statue sur les appels des ordonnances du JLD relatives à la détention.
Erreurs fréquentes:
  • Confondre mise en examen et condamnation.
  • Penser que le juge d'instruction décide de la culpabilité (il apprécie les charges).
  • Ignorer le rôle du Juge des Libertés et de la Détention (JLD) pour les mesures les plus graves (détention provisoire, certaines perquisitions hors flagrance).
  • Sous-estimer les pouvoirs de contrôle et d'appel de la Chambre de l'Instruction.

Schéma simplifié de l'Instruction Préparatoire

graph TD A[Déclenchement: Réquisitoire PR ou Plainte PC] --> JI[Juge d'Instruction]; subgraph Actes du JI B[Mise en Examen / Témoin Assisté] C[Interrogatoires / Auditions] D[Perquisitions / Saisies] E[Expertises / Commissions Rogatoires] F[Saisine JLD pour Contrôle Judiciaire / Détention Provisoire] end JI --> B; JI --> C; JI --> D; JI --> E; JI --> F; JLD[Juge des Libertés et de la Détention] --> F; JI --> G{Clôture de l'Instruction}; G -- Charges suffisantes --> H[Ordonnance de Renvoi (Trib. Correctionnel / Cour d'Assises)]; G -- Charges insuffisantes --> I[Ordonnance de Non-Lieu]; J[Appel des Ordonnances du JI/JLD] --> CI[Chambre de l'Instruction]; K[Requêtes en Nullité] --> CI;

Chapitre 3: Le Jugement

Définition: Phase du procès au cours de laquelle la juridiction de jugement (tribunal de police, tribunal correctionnel, cour d'assises) examine l'affaire au fond, entend les parties, apprécie les preuves et statue sur la culpabilité de la personne poursuivie et, le cas échéant, sur la peine et les intérêts civils.

Principes directeurs de la phase de jugement
  • Publicité des débats (Art. 306, 400 CPP): Les audiences sont publiques, sauf exceptions (huis clos pour protéger l'ordre, la sérénité des débats, la dignité des personnes, ou si la victime le demande pour certaines infractions comme le viol).
  • Oralité des débats: La décision doit être fondée sur les éléments débattus oralement à l'audience. Les juges ne peuvent se fonder que sur ce qui a été dit ou produit devant eux.
  • Contradictoire: Chaque partie doit avoir la possibilité de connaître et de discuter les arguments et les preuves de l'autre. Droits de la défense (assistance d'un avocat, droit de se taire, de poser des questions).
  • Immédiateté: Les juges qui statuent sont ceux qui ont assisté à l'intégralité des débats.
  • Continuité des débats: L'audience doit se poursuivre jusqu'à son terme, sans interruption majeure.
Déroulement type d'une audience (variable selon la juridiction)
  1. Vérification de l'identité du prévenu/accusé, rappel des faits reprochés.
  2. Lecture de l'acte de saisine (ordonnance de renvoi, citation).
  3. Interrogatoire du prévenu/accusé par le président.
  4. Audition des témoins et experts.
  5. Plaidoiries de la partie civile (si constituée).
  6. Réquisitoire du ministère public (demande de condamnation ou de relaxe/acquittement, proposition de peine).
  7. Plaidoirie de la défense.
  8. Le prévenu/accusé a la parole en dernier.
  9. Mise en délibéré de l'affaire.
  10. Prononcé du jugement (public).
La décision de la juridiction de jugement
  • Relaxe (tribunal de police, tribunal correctionnel) ou Acquittement (cour d'assises): Si la culpabilité n'est pas établie ou si l'infraction n'est pas constituée.
  • Condamnation: Si la culpabilité est établie. La juridiction prononce une peine (amende, emprisonnement, peines alternatives, peines complémentaires) et statue sur les demandes de la partie civile (dommages-intérêts). Le jugement doit être motivé.
Les voies de recours

Permettent de contester une décision de justice.

  • Voies de recours ordinaires (suspensives d'exécution):
    • Appel: Permet un réexamen complet de l'affaire en fait et en droit par une juridiction supérieure (cour d'appel, cour d'assises d'appel). Ouvert au condamné, au ministère public, à la partie civile (sur ses intérêts civils).
    • Opposition (Art. 489 et s. CPP): Ouverte au prévenu jugé par défaut (en son absence et sans avocat) pour que l'affaire soit rejugée contradictoirement par la même juridiction.
  • Voies de recours extraordinaires (non suspensives en principe):
    • Pourvoi en cassation: Devant la Cour de cassation, pour violation de la loi ou des formes substantielles de la procédure. Ne rejuge pas les faits.
    • Révision et réexamen (Art. 622 et s. CPP): Permettent de corriger une erreur judiciaire après une condamnation définitive, en cas de fait nouveau ou d'élément inconnu au jour du procès de nature à établir l'innocence du condamné ou à faire naître un doute sur sa culpabilité.
Erreurs fréquentes:
  • Confondre relaxe et acquittement (terminologie selon la juridiction).
  • Penser que l'appel est toujours possible ou a toujours le même effet (ex: appel du Parquet peut aggraver la situation du condamné).
  • Mal comprendre le rôle de la Cour de cassation (juge du droit, non des faits).

Articulation: La phase de jugement est l'aboutissement de la procédure. Elle doit respecter tous les principes fondamentaux pour garantir un procès équitable et une décision juste, susceptible de recours pour assurer un double degré de juridiction et un contrôle de légalité.